De la carte à puce à l’intelligence artificielle

La carte à puce, direction… l’Intelligence Artificielle !

carte-puce-Intelligence-ArtificielleLe présent étend chaque jour son territoire,
direction le futur…

Dans le prologue de son « Histoire secrète de la carte à puce », Roland Moreno écrit en 2001 : « L’aventure que vous avez entre les mains ou sous les yeux raconte le passé, alors que le présent étend chaque jour son territoire, direction le futur. Qui aurait prévu, il y a quarante ans, que de beaux et bons billets 500 F jailliraient des murs des bureaux de poste […] Peut-être l’appât exercé sur nous tous, et bien sûr le rôle que joue l’argent dans absolument tous les domaines, ce qui fait de ce fluide de la vie en société une sorte de concept prioritaire ».

Cette carte à puce, inventée par Roland Moreno, permet (entre autres) à l’argent de jaillir des murs des villes depuis 40 ans. En effet, l’idée lui vient le 28 janvier 1974 quand, bluffé par une annonce signalant « l’existence de mémoires dotées d’une propriété à ses yeux inouïe : conserver l’information enregistrée sans apport d’énergie… », il en projette immédiatement des applications… direction le futur ! 

Au fil de ce qu’il appelle des « rendez-vous avec la chance », naitra la carte à puce sur l’idée qu’un support capable d’héberger de la mémoire, quelle qu’elle soit, sans dépendre d’une quelconque énergie et sur l’émerveillement que représentait à ses yeux la faculté de faire tenir sur une PROM (Programmable Read Only Memory) « non pas un mais des milliers (aujourd’hui des millions) de véritables fusibles aussi petits et aussi utiles… ».

De la mémoire des puces à celle des humains… L’irréversibilité !

A travers la notion de « fusibles », correspondant au type de cette PROM (cellules mémoires semblables à des fusibles que l’on détruit par « claquement diélectrique »), Roland Moreno insiste sur la notion essentielle à ses yeux d’irréversibilité sur la mémoire. Il écrit « …ce parallèle qu’entretiennent les mémoires (d’ordinateur) avec la mémoire (humaine) […] plus généralement avec la métaphore de la vie et de la mort : pourquoi un assassinat est-il irréversible ? Parce qu’on a détruit la vie (cette vie qui, justement, animait l’être vivant). Pourquoi une PROM contient-elle une information irréversible ? Parce qu’un phénomène spécifique de destruction est intervenu, sous forme d’un fusible – micrométrique peut-être, mais fusible quand même – dans lequel on a fait circuler trop d’énergie électrique […] tout comme les « plombs » de notre installation électrique, qui peuvent précisément « sauter », en cas de surcharge ».

L’aventure des systèmes intelligents…

Non loin de là dans l’échelle du temps numérique, dans les années 50, un certain John McCarthy se préoccupait déjà des capacités de l’informatique. Lui aussi les projette direction le futur !

LispSa spécialité d’origine étant les mathématiques, il s’oriente vers la programmation. A partir de la notion de « calcul assisté », vocation première de l’informatique, il s’engage dans l’écriture du langage LISP en 1958. Egalement auteur de science-fiction, il a déjà en tête une aventure, celle de « systèmes intelligents » ! Ce n’est donc pas par hasard que son langage LISP est celui qui sera privilégié pour sa flexibilité dans ce que l’on nommera plus tard « l’Intelligence Artificielle ».

… Jusqu’à l’intelligence Artificielle 

L’intelligence artificielle pourrait se définir par la volonté de « doter des machines de systèmes informatiques ayant des capacités intellectuelles équivalentes à celles des hommes ». Dès lors que la mémoire s’installe sur des puces autonomes de plus en plus minuscules, que l’on dispose de langages informatiques pensés pour rendre des systèmes intelligents, ce rêve de l’humain va-t-il pouvoir entrer dans le champ des possibles ?

Pour cela, l’idée de « modéliser la complexité de notre intelligence » pour l’intégrer à des machines (humanoïdes ou pas) qui fait son chemin au sein d’une communauté de chercheurs, dépasse rapidement ces concepts originels de systèmes intelligents. Des questions se posent. La machine peut-elle se passer des systèmes sensoriels et moteurs de l’être humain pour élaborer les processus de raisonnement et de communication liés à l’intelligence humaine ?

Des développements permettent certes de résoudre des problèmes complexes dès les années 60 (General Problem Solver de Allen Newell et Herbert Simon), des programmes de compréhension du langage humain apparaissent comme SHRDLU en 1970 développé par Terry Winograd.

Mais il faudra plus que cela pour approcher l’intelligence humaine. Une des étapes incontournable sera d’apprendre aux systèmes dits intelligents ce fond de raisonnement propre à l’homme, celui que les chercheurs nomment « le sens commun ». Autrement dit, toutes les notions implicites que nous possédons et dont il ne nous vient pas à l’esprit de doter la machine !

Est-ce mission impossible, alors ? L’éthologie nous apprend que toute intelligence animale (donc celle l’humain) se construit sur la perception de son environnement psychosocial. Or, cette perception relève de nos organes sensoriels en interaction avec notre développement psychologique. Quid des réseaux de neurones artificiels calculés grâce à la puissance informatique ?

C’est le paradoxe. La conception des intelligences artificielles se développe au rythme des progrès de l’informatique. Les réseaux neuronaux des systèmes artificiels sont alimentés par des informations numériques.

La sélection naturelle chère à Darwin appliquée à l’intelligence artificielle

Dans les années 90, les systèmes intelligents embarquent des « algorithmes génétiques ». Inventés par John Henry Holland ces algorithmes utilisent une notion de « sélection naturelle » dans des résolutions de problèmes qui n’ont pas de réponse exacte, mais une population de réponses potentielles, procédant ainsi par élimination.

robotProgressivement, ce principe de sélection naturelle cher à Darwin va s’étendre au-delà des algorithmes jusqu’aux systèmes intelligents eux-mêmes. On génère une population de systèmes pour l’accomplissement de tâches, et comme pour améliorer une nouvelle espèce de pommes ou de vaches laitières, on ne conserve que les meilleurs, procédant ainsi de génération en génération. Ce processus s’élabore notamment sur des familles de robots pour tester leur capacité de réaction à leur environnement jusqu’à obtenir un comportement de plus en plus autonome.

L’intelligence Artificielle, direction le futur, inquiète !

Evoquer Darwin et le principe de sélection naturelle lié aux espèces vivantes, n’est-ce pas déjà laisser entrer l’intelligence artificielle dans le domaine du « vivant » ?

Pour le Docteur Laurent Alexandre, « avec les neuro-technologies, nous allons rentrer dans un monde où notre cerveau ne sera plus un sanctuaire, les neurosciences et l’informatique sont en train de fusionner. Un continuum est en train de s’établir, entre le cerveau biologique, l’intelligence artificielle, l’IT, et les neurosciences. A terme, il n’y aura pas de différence entre l’intelligence artificielle et l’intelligence biologique… ».

Pourtant, certains pensent que la machine, si elle dispense l’homme des tâches répétitives et astreignantes, si elle accélère des réponses élaborées à des problématiques complexes, elle n’a et n’aura d’autre « intelligence » que celle du ou des programmeurs qui l’ont conçue.

Pour l’économiste Michel Volle, dans son article « A propos de l’intelligence de l’ordinateur » « L’intelligence du programmeur, telle qu’elle se manifeste dans un programme, est une intelligence à effet différé […] L’intelligence du programmeur, telle qu’elle se manifeste dans un programme, est une intelligence à effet différé… ». Il ajoute : « Examinons comment fonctionne le cerveau que nous avons hérité de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Il est certes moins rapide et moins puissant qu’un ordinateur, mais il est capable d’interpréter son environnement, de trouver des repères pour se débrouiller face à des situations nouvelles, bref de faire des choses pour lesquelles il n’a pas été programmé. S’il est ainsi créatif, c’est parce qu’il appartient à un corps dont les émotions lui signalent des idées potentiellement fécondes parmi celles que la glande cérébrale sécrète continuellement selon des associations aléatoires (cf. « l’intelligence créative »). C’est cette créativité qui fait de nous des inventeurs, des innovateurs, des organisateurs, des programmeurs, des personnes capables enfin de se débrouiller, et cela nous distingue de l’ordinateur… ».

D’autres encore interpellent sur les dangers de l’intelligence artificielle. Ils questionnent : « L’intelligence artificielle menace-t-elle l’humanité ? ». Ils sont scientifiques ou entrepreneurs (à l’exemple de l’astrophysicien Stephen Hawking ou de l’entrepreneur Elon Musk) et, pour eux, les progrès réalisés par les technologies dans le domaine des objets connectés et de l’intelligence artificielle seraient, à terme, une menace pour l’humanité-même. Avant cela, les chercheurs seront-ils les premiers supplantés par la puissance de l’intelligence artificielle qu’ils auront engendrée ?

Les réponses ? Direction le futur !…

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