Cinquième édition des Assises de la Cohésion numérique et territoriale

6 février 2023 | ACTUALITÉS

Iconographie : © Julien Hananel / AROMATES

En 2018, le Cigref et la Commission Supérieure du Numérique et des Postes proposait à Jacques Marceau, dirigeant du cabinet d’affaires publiques Aromates, de créer les Assises de la Cohésion numérique et territoriale. L’idée consistait à organiser et développer un espace de dialogue, de débat et de rencontre entre les différents acteurs de la lutte contre l’exclusion numérique. Depuis maintenant cinq ans, ces Assises tiennent la ligne qui leur a été confiée, en réunissant responsables du Gouvernement, parlementaires, administrations publiques, collectivités locales, grandes et petites entreprises, associations, engagés dans la lutte contre l’exclusion numérique et l’illectronisme, et qui agissent en faveur de l’accessibilité numérique des personnes en situation de fragilité sociale ou de handicap. Bien entendu, ces différents sujets ne laissent pas le Cigref indifférent et constituent une préoccupation partagée par la plupart des membres de notre association.

« Numérique, justice sociale et démocratie »

La cinquième édition des Assises de la Cohésion numérique et territoriale s’est tenue le 2 février 2023, à la Maison de la chimie, sous le haut patronage de la Ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Madame Dominique Faure, et sous la présidence de Madame Mireille Clapot, Députée de la Drôme et Présidente de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes. Le thème de cette édition portait sur les enjeux de justice sociale et de démocratie. À cette occasion, le Président du Cigref, Jean-Claude Laroche est intervenu sur le thème suivant : 

« Agir contre l’exclusion numérique : un impératif pour les entreprises et les administrations ? »

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

Je crois que c’est la première fois que le Président du Cigref a l’honneur de s’exprimer à l’occasion des Assises de la Cohésion numérique et territoriale. Pourtant le Cigref soutient activement, et depuis sa création, cette démarche de mise en relation des acteurs engagés dans la lutte contre l’exclusion numérique, et dans la promotion des actions et des politiques en faveur d’un numérique inclusif, porteur de cohésion sociale dans les territoires. Les adhérents du Cigref, les 155 plus grandes organisations françaises, publiques et privées, utilisatrices de services numériques, sont en effet attentives, et de manière croissante, à ces enjeux de cohésion numérique. Car bâtir un numérique durable, responsable et de confiance, c’est la raison d’être du Cigref, au service de ses adhérents et de l’intérêt général.

Quelques chiffres méritent d’être rappelés aujourd’hui ; ce sont ceux qu’avec une dizaine d’autres associations représentatives du monde du numérique en France, nous avions mis en exergue en amont des élections présidentielles de 2022, pour interpeller les différents candidats, dans une plateforme intitulée « Convergences numériques 2022 » :

  • 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique et près d’un sur deux n’est pas à l’aise avec les outils numériques ;
  • 15 % de la population n’a pas utilisé Internet en 2019 ; 12 % n’est pas équipée pour se connecter ;
  • 5 millions de salariés ont rencontré des difficultés face au numérique pendant le confinement lié à la crise sanitaire ;
  • 5 à 8% des élèves ont été injoignables pour suivre les cours à distance lors du premier confinement ; les enseignants du collège en voient aujourd’hui les conséquences sur les élèves qu’ils récupèrent de l’école primaire ;
  • Seulement 13% des démarches administratives en ligne étaient, en avril 2020, réellement accessibles aux personnes en situation de handicap.

Pour le Cigref, un numérique responsable c’est un numérique qui apporte des réponses concrètes à ces situations. Un numérique responsable, c’est un numérique qui sait se tourner vers ceux qui le vivent comme une exclusion. Et je réponds d’emblée par l’affirmative à la question qui m’est posée. Oui, bien entendu, agir contre l’exclusion numérique est un impératif pour les entreprises et les administrations publiques. C’est un impératif, et pour plusieurs raisons. Je vous propose de m’arrêter sur celles qui me paraissent aujourd’hui les plus importantes.

La première, à l’évidence, et vous me pardonnerez d’être trivial, c’est une simple raison de bon sens économique. Dans un contexte où le numérique est le principal facteur de croissance des entreprises, il est déraisonnable de laisser sur le bord de la route numérique un nombre si élevé de consommateurs. Bien entendu.

Mais la deuxième est plus évidente encore. Alors que le numérique pétrit et façonne l’ensemble du corps social, et tous les processus de fonctionnement de la société, jusque désormais dans ses ressorts les plus intimes, nous, praticiens du numérique, sommes collectivement convaincus de l’exigence de travailler à la pérennité de notre modèle social, en garantissant l’acceptabilité de sa dimension numérique, et donc l’accès du plus grand nombre à celle-ci. Nos membres n’ont rien à gagner à une situation de rejet du numérique, sur fond de défiance, de la part d’une partie de la population, avec parfois même du complotisme à la clé.

Enfin, dans un contexte de pénurie croissante de compétences, et c’est probablement le sujet de préoccupation le plus important des membres du Cigref, nous ne pouvons nous satisfaire d’un numérique qui exclurait, par conception, des catégories entières de la société, à commencer par les femmes, mais aussi les personnes en situation de handicap, la jeunesse issue de la diversité ou encore les travailleurs dont l’employabilité se dégrade sous les coups de boutoir, justement, du numérique ; cette exclusion aurait d’ailleurs des répercussions dès l’école, le collège, le lycée, entretenant donc durablement une pénurie de compétences dans nos métiers qui nous porte un préjudice certain. 

Nous devons donc travailler collectivement, État et entreprises, à une réponse adaptée et à l’échelle, aux défis technologiques auxquels notre pays sera confronté au cours des vingt ou trente prochaines années, défis climatiques, énergétiques, alimentaires, ou encore industriels, et même s’il n’est pas une panacée, le numérique constitue à l’évidence une partie de la solution. Et en corollaire, la lutte contre l’exclusion numérique est très directement corrélée, nous semble-t-il, à l’autonomie technologique et stratégique de notre continent.

Alors que faire ? Que faire face à l’urgence si nous ne voulons pas que les fractures numériques qui fragilisent le corps social ne se transforment en fossés infranchissables. Car, ne nous y trompons pas. Si nous n’y prenons pas garde, l’espace numérique pourrait devenir un espace où seuls quelques rares privilégiés, où quelques happy few disposeraient des moyens financiers et des compétences pour vivre et évoluer au sein de compounds numériques ultra-sécurisés. Cette sombre perspective n’est hélas pas qu’une simple hypothèse ou une vue de l’esprit, mais un scénario plausible qui pourrait accompagner la croissance exponentielle des transformations numériques de nos sociétés et des fractures qui les accompagnent. Bien entendu, nous ne voulons pas de ce numérique-là.

Nous voulons un numérique pour tous, un numérique qui crée de la valeur conformément à nos valeurs démocratiques et humanistes. Ce numérique, pour se développer, doit bénéficier d’un environnement favorable, et nous sommes encore loin du compte. Je vous propose trois pistes d’action sur lesquelles, État, entreprises, collectivités locales et associations devraient s’engager collectivement.

La première, à l’évidence, c’est la formation, et dès le plus jeune âge. Les humanités numériques doivent désormais constituer un fil conducteur de la formation académique de notre jeunesse, dès le primaire et tout au long du parcours scolaire et de l’enseignement supérieur. Ces humanités numériques sont désormais un aspect essentiel de la formation de citoyens éclairés et de professionnels insérés. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce gâchis de cohortes de jeunes gens et de jeunes filles qui quittent le monde scolaire sans avoir reçu la plus élémentaire des formations sur les phénomènes à l’œuvre derrière cet écran qui subjugue une part si substantielle de leur temps de cerveau disponible. Nous appelons de manière urgente et depuis des mois maintenant à la mise en œuvre d’un plan en faveur des humanités numériques, et c’est pourquoi nous accueillons avec un grand intérêt la récente publication par le Gouvernement de la « Stratégie numérique pour l’éducation 2023-2027 ».

La deuxième piste concerne l’information et le développement de nouveaux dispositifs de diffusion. Par exemple, l’État et les collectivités territoriales ont réalisé un effort substantiel avec le plan des 4000 conseillers numériques. Il est cependant nécessaire d’aller plus loin, beaucoup plus loin pour accompagner les personnes en fragilité avec le numérique sur tout le territoire. C’est sans doute l’ensemble du secteur professionnel des travailleurs sociaux qui doit opérer sa mutation et sa mise à niveau pour accompagner les fractures numériques de la société française. Ils sont déjà nombreux à s’y former, mais un effort très substantiel pourrait être opéré dans ce sens.

La troisième piste concerne le développement des exigences d’accessibilité des services numériques essentiels, qu’ils soient publics ou privés, et pas uniquement au profit des personnes en situation de handicap. L’accessibilité, on sait faire dès lors que l’on s’en donne les moyens. Regardez des services comme ceux proposés par Amazon ou par Google, ils sont d’une simplicité perçue qui masque une extraordinaire complexité des processus mis en œuvre. Regardez les jeux vidéo, des enfants, sans expertise et sans formation, sont capables de réaliser des opérations extrêmement complexes avec une aisance qui peut laisser pantois les gens de ma génération. De plus le modèle tarifaire de ces acteurs favorise la gratuité pour des usages de base, ce qui, vu du consommateur, est un facteur d’adoption important. Mais revenons à l’expérience utilisateur : pourquoi ne pas développer ces mêmes technologies ludiques et désirables pour permettre aux usagers de réaliser des opérations dont le design et les interfaces sont aujourd’hui parfois particulièrement déceptifs, parce que l’expérience utilisateur, de tous les utilisateurs dans leur diversité, est encore largement un impensé du développement de la plupart des services numériques ? Au Cigref, nos membres s’y sont mis ces toutes dernières années, et il faut généraliser cette pratique du design dans le numérique.

Dans ce contexte, je tiens à saluer l’initiative engagée par les pouvoirs publics, et pilotée par la Direction interministérielle du numérique que le Cigref se félicite de compter parmi ses membres. Afin de préparer la future conférence nationale du handicap, qui se tiendra au printemps, un groupe de travail national sur l’accessibilité numérique a été constitué. C’est dans ce cadre par exemple que le Cigref a proposé l’idée de création d’une « école française du design de services numériques ». En s’inspirant de l’esprit de la French Touch, elle aurait pour vocation de rendre les pratiques d’accessibilité désirables et attractives pour tous.

Je vous le confirme, Mesdames et Messieurs, et nous en sommes particulièrement conscients au Cigref, l’accès de tous au numérique est désormais un enjeu de justice sociale et de démocratie. C’est désormais, au sens plein du terme, un enjeu politique. Je vous remercie de votre attention.

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