Contribution d’Eric Anjeaux
Conseil en organisation et en systèmes d’information
L’objectif de cette contribution est d’expliquer concrètement en quoi, à notre sens, les réflexions autour de l’entreprise numérique se différencient des réflexions plus classiques objets des schémas directeurs de systèmes d’information ou des schémas directeurs informatiques.
Cette contribution s’appuie sur notre expérience des schémas directeurs numériques, pour lesquels nous avons très souvent à répondre aux questions – légitimes – suivantes : « le numérique, qu’est ce c’est ? » et « en quoi un schéma directeur numérique est-il différent d’un schéma directeur des systèmes d’information ou un schéma directeur informatique ? ».
Notre vision de l’entreprise numérique
Une entreprise numérique, ce n’est pas seulement une entreprise qui dispose d’une infrastructure informatique performante ou qui s’appuie sur un système d’information optimisant la circulation des informations dans l’entreprise, même si ces deux conditions constituent clairement des préalables incontournables pour toute entreprise qui se veut numérique.
Une entreprise numérique, c’est surtout une entreprise qui se repense en intégrant les possibilités offertes par une approche numérique de l’information :
– Qui contribue à redéfinir la stratégie de l’entreprise : comment le numérique peut-il faire évoluer les axes stratégiques de mon entreprise ? dans ma recherche d’innovation ? dans ma croissance internationale ? dans le développement des compétences de mon personnel ?
– Qui place les acteurs de l’entreprise au centre de ses préoccupations : comment le numérique influence-t-il les échanges avec mes clients, entre mes collaborateurs ?
– Qui, pour elle-même et ses clients, pense en termes d’usages et de services et non pas de solutions techniques : une solution numérique se définit d’abord par le service qu’elle offre,
– Qui raisonne en termes d’information et de connaissance collective et pas seulement en termes de données structurées : de quelle information ou connaissance a besoin mon client ou mon collaborateur ? comment atteindre, gérer et capitaliser cette connaissance ?
– Qui banalise l’accès à l’information qui devient ainsi accessible à partir de n’importe quel média (PC, smartphone, tablette), de n’importe où, n’importe quand : l’entreprise doit être accessible à partir des outils personnels du client (actuel ou potentiel) et du collaborateur.
Toutes ces questions sont à traiter dans un schéma directeur numérique, qui se différencie d’un schéma directeur des systèmes d’information ou d’un schéma directeur informatique pour plusieurs raisons :
– le numérique ne vise pas seulement à venir en support des processus actuels (ou à les dématérialiser), mais bien à faire évoluer les usages ou à substituer des services à des produits (par ex. en s’appuyant sur le potentiel des smartphones et des tablettes) : les nouvelles solutions numériques conduisent donc souvent à faire évoluer l’organisation du travail au sein de l’entreprise et les relations entre l’entreprise et ses clients, d’où l’importance à ce titre de l’accompagnement du changement,
– le numérique ne traite pas seulement de la diffusion des données structurées issues des ERP (ex. les commandes en cours), mais vise à créer, capitaliser, diffuser et partager de la connaissance et à créer de nouveaux modes de coopération avec les clients et entre les collaborateurs, ce qui peut prendre la forme d’informations faiblement structurées (ex. l’avis d’un client, un retour d’expérience d’un collaborateur), dans l’esprit du « web 2.0 ».
Un certain nombre de problématiques prennent par ailleurs une importance particulière dans le cadre de cette généralisation du numérique :
– les exigences juridiques de l’information : propriété intellectuelle, confidentialité, authentification, horodatage, traçabilité des accès à Internet…
– la pérennité de l’information : la généralisation de la dématérialisation des échanges (ex. avec les organismes fiscaux et sociaux) doit aller de pair avec un archivage numérique pérenne,
– le développement numérique durable pour anticiper le risque à long terme d’une rareté des ressources nécessaires au numérique (électricité, matériaux…),
– la gouvernance du numérique, qui doit se positionner au plus haut des instances de direction.
Il ne faut pas sous-estimer les difficultés de ces approches :
– comme il est dit ci-dessus, le numérique se définit par des nouveaux services pour l’entreprise et pas par des solutions informatiques sur étagère : il n’est donc pas toujours facile à expliquer,
– le potentiel du numérique reste à explorer : même si ¾ des français disposent d’un accès à Internet (enquête CREDOC 2010), le potentiel des solutions n’est pas toujours aussi bien connu que ce que l’on pense.
C’est pourquoi, toute démarche doit être associée à une pédagogie forte et adaptée à ce sujet.
En guise de conclusion
C’est avec l’ambition de contribuer directement à la stratégie de l’entreprise et de modifier en profondeur les services aux clients et les échanges entre les collaborateurs, qu’une entreprise doit explorer ces nouveaux territoires numériques, sources à la fois d’une nouvelle croissance et de nouveaux modes de travail.