IT for Business Forum : Ruptures sociétale et managériale

9 avril 2011 | ACTUALITÉS, Entreprises et cultures numériques

Au cours de sa seconde journée de travail à Courchevel, après s’être interrogé sur les réseaux sociaux, l’IT for business forum s’est penché sur les « ruptures » que les technologies supposent dès maintenant pour l’entreprise. Ce sont à la fois des ruptures sociétales et managériales. Illustrons dès à présent ces travaux à travers deux interventions :

Twitter, une rupture managériale

Intervention Serge SOUDOPLATOFF
Entrepreneur, enseignant, responsable de la rubrique politique 2.0 à Fondapol

Avec Twitter, c’est comme si on envoyait un SMS sauf que c’est gratuit… C’est comme si on envoyait des e-mails avec juste l’objet, puisque cela doit tenir en 140 caractères. C’est un peu la CB des temps modernes ! Avec la CB, le routier qui arrivait à Angoulême, il avait besoin de quelque chose, il s’adressait à ses copains… quelque part, il tweetait avec sa CB…

Effectivement, c’est une rupture. Je parlerai du modèle Lippi : c’est une entreprise qui s’est mise en mode 2.0 et qui utilise Twitter comme outil interne de communication dans l’entreprise. Cette entreprise est configurée en mode Peer to peer. Le knowledge management est là juste pour intervenir si les problèmes sont trop compliqués. Les salariés tweetent les problèmes : quelqu’un pose une question, quelques minutes plus tard quelqu’un résout le problème.

Ce qui m’intéressait c’est que, dans les années 90, je travaillais pour Capgemini sur le knowledge management : on allait voir le chef de projet, on lui disait : « il faut que tu racontes ce qui s’est passé dans la journée ». Il répondait qu’il avait autre chose à faire… Aujourd’hui, c’est la captation de tous les tweets qui fait la colonne vertébrale et le knowledge management de l’entreprise.

Internet avait déjà brisé quelques frontières… Les frontières de l’entreprise sont-elles encore plus poreuses ?

Attention, porosité, ce n’est pas transparence ! Je n’aime pas trop le concept de transparence. Je préfère celui d’honnêteté. Ce qui se passe aujourd’hui qui déstabilise le monde de l’entreprise, c’est que l’innovation est exogène à l’entreprise. Pour faire schématique et simple, les clients sont en réseau, les clients innovent. Les frontières de l’entreprise sont poreuses, dans le sens où, d’une part vous entrez dans le SI de l’entreprise quand vous commandez quelque chose, par exemple sur Amazon, vous entrez dedans. Mais aussi dans l’autre sens, le salarié qui rentre chez lui est dix fois mieux outillé que dans son entreprise, il n’a pas de pare-feu, il peut faire de la vidéo, il peut aller dans un monde virtuel et il voit son entreprise de l’extérieur. Cela ne colle pas toujours avec ce qu’on lui demande de dire en interne.

L’entreprise reste en silo. Ce qui se passe, c’est que ce modèle d’une entreprise en silo, de frontières poreuses et de clients en réseaux, cela ne marche pas ! Alors, dans beaucoup d’entreprises, les clients et les salariés en contact avec le terrain se mettent en réseau, parfois au nez et à la barbe des institutions avec le fait que se mettre en réseau, aujourd’hui, cela ne coute pas cher !

L’exemple que je cite souvent n’appartient pas à l’entreprise, mais il est très significatif : un professeur de l’Ile-de-La-Réunion n’a pas les outils dont il a besoin. Il crée une communauté « le forum des enseignants du primaire ». Ce sont cent mille enseignants qui se sont mis en réseau. Ils ont posté 3,5 millions de messages, au nez et à la barbe de l’Education Nationale. Il n’y a pas eu besoin d’une DSI. Cela coute environ 400 euros par mois, il a fait une association loi 1901 et donc on voit bien l’équation économique d’internet : il demande 2 euros par mois à ses membres.

Aujourd’hui, les entreprises, au modèle Lippi, devraient considérer que leurs salariés sont une communauté et leur offrir des outils de gestion d’une communauté !

Réseaux sociaux, des ruptures sociétales

Intervention de Bruno MARZLOFF
Sociologue spécialise sur les enjeux stratégiques de mobilité
Directeur Groupe Chronos, cabinet d’études sociologiques et de prospective en mobilité.

Le Groupe Chronos a été créé il y a une quinzaine d’années sur une double intuition :  que la mobilité physique allait très rapidement être rejointe par la mobilité numérique et qu’elles allaient devoir dialoguer, négocier, composer. Et côté des usages, on pressentait que nous étions face à une modification du paradigme, c’est-à-dire que l’on passait du paradigme de l’offre à celui de la demande. En d’autres termes, la capacité des usagers à développer beaucoup plus rapidement les usages, que l’offre n’est capable de les mettre sur le marché.

J’ai été très intéressé par les échanges qui ont eu lieu depuis hier, parce que cela vient conforter une analyse que nous faisons, qui est celle d’une certaine schizophrénie. Je ne sais pas s’il faut parler de schizophrénie ou s’il faut assumer des paradoxes !

Ce que nous a dit la table ronde d’hier sur la « métamorphoses de la relation client », c’est que les enseignes suivent difficilement les pas des usagers sur de nouvelles pistes, celle du e-commerce. Au modèle de mobilité qui est attaché à la voiture qui a prévalu entre les années 60 et la fin du siècle dernier et celui des grandes surfaces en périphéries, tout d’un coup se substitue un modèles assez décomposé, assez éclaté, on l’on a à la fois du e-commerce, du m-commerce, les magasins de proximité.

Tout cela raconte une autre façon de s’inscrire sur les mobilités des gens qui composent avec la capacité physique de déplacement et aussi avec les outils numériques dont on voit que les usagers se sont emparés. Les échanges de la table ronde de ce matin sur les réseaux sociaux sont venus conforter cela et on voit les success storys qui montrent l’avidité presque, la capacité en tout cas des usagers à déclencher ces nouveautés.

En même temps, on ne peut pas s’empêcher de voir comment le monde physique d’hier résiste. Pour illustrer cela, je voudrais revenir sur un article paru dans Le Monde fin février. Un titre très symptomatique : « la SNCF se mobilise pour convaincre les sociétés de ne pas s’installer le long des lignes déjà saturées ». Cela dit beaucoup de choses ! cela dit que nous sommes aujourd’hui dans une logique de saturation, en tout cas dans des métropoles denses, aussi bien à Paris, Mexico, que Tokyo. On est dans une logique d’inflation des déplacements, c’est-à-dire dans lequel le découplage entre la croissance des déplacements et celle de la démographie est monstrueux.

Par exemple, sur l’Ile-de-France, sur les 20 dernières années, on est dans le découplage de 1 à 6 sur ces deux termes : démographie et mobilité. Du coup ça coince ! Il faut dire la vérité aux usagers, aux élus, aux entreprises, si les choses continuent à ce rythme, cela va devenir très compliqué.

Autre référence : « nous n’avons plus vraiment d’options pour absorber la croissance des volumes », c’est le Secrétaire d’Etat Américain aux Transports qui le dit, donc ce n’est pas un problème franco-français.

Je reviens sur l’article du Monde qui illustrait son propos par une entreprise : SFR, qui va installer son siège à Saint-Denis en 2012, où elle rassemblera toutes ses troupes. C’est 7.500 personnes qui vont s’installer dans une tour, avec la symbolique de l’image traditionnelle.Or, le RER qui dessert ce site est déjà à saturation. Sachant qu’une rame de RER c’est 1.000 personnes, comment fait-on pour rajouter 7,5 rames alors que la ligne est déjà aux taquets ?

On est là dans une double symbolique, celle de la limite des déplacements physiques et celle de l’incapacité de l’entreprise à concevoir que les choses puissent se passer autrement. Elle continue sur un modèle d’entreprise traditionnel, où elle va tout rassembler sur un site. Et en même temps, tout ce qui a été dit ce matin (je pense à ViadeoStream parce que c’est assez spectaculaire) montre que l’on peut être loin de l’entreprise et être toujours dans l’entreprise !

Comment aborde-t-on cette schizophrénie ou est-ce que ce sont des paradoxes qu’il va falloir assumer ?

Les technologies sont une réponse, elles sont massivement adoptées par les usagers, massivement utilisées. Ce qui est étonnant, c’est l’accélération avec laquelle les usagers se sont approprié ces technologies. La vraie question n’est pas celle de la capacité des technologies à répondre à ces problématiques, c’est la capacité managériale de les mettre à profit dans une autre configuration spatio-temporelle, puisque c’est bien la problématique. Comment est-ce que l’on gère cela différemment, à distance alors que l’on fonctionne encore en embauchant à 9 heures au bureau…

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