Google Glass, l’effet papillon du discours en questions…
Les lunettes connectées ne sont pas encore vulgarisées au niveau du grand public. Il y eu plusieurs articles intéressants dans la presse ces dernières années1. Mais ce type de projet ne se trouve pas encore, à ma connaissance, au centre des programmes de la DSI et des Métiers. Ceci dit, nous connaissons les conséquences de l’effet papillon dans la théorie du chaos. Par conséquent, souhaitant anticiper ces évolutions, les premiers faits constatés militent en faveur d’un questionnement sur ce sujet.
Quels sont les faits constatés ?
Les lunettes connectées et les Google Glass font leur entrée dans les organisations
Comme par exemple le secteur du transport et de la santé. En octobre 2014, selon metronews : « la filiale de la SNCF vient de lancer une expérimentation consistant à équiper ses agents d’accueil de Google Glass. Un système qui permet de déporter l’écran de contrôle des billets devant les yeux. Le but ? Garder un contact visuel plus avenant avec les clients ». Dans le domaine de la santé, il y eut également une première mondiale en mettant le numérique au service du regard partagé : « une chirurgie de l’épaule effectuée dans une clinique de Rennes » et qui « a pu être suivie en direct par un chirurgien japonais et son équipe à 10.000 km de distance » .
Les avancées techniques sont significatives
Non seulement l’écran numérique se déplace du smartphone vers nos yeux, mais les branches de ces lunettes truffées de capteurs, micro, caméra, gyroscope, etc. sont reliées à une puissance algorithmique jusqu’ici inégalée. On nomme couramment cette rupture : « la réalité augmentée ». Mais augmentée de quoi à l’ère de l’info-obésité ? Les systèmes d’indexation des contenus numériques et d’ingénierie des connaissances effectuent toutes sortes d’opérations en temps réel : capture vidéo en HD de l’image faciale d’un individu en mouvement ; capture des informations liées à un objet réel ou virtuel ; recherche en ligne, localisation, analyse des contenus ; affichage automatique de messages à la portée des yeux ; réception de messages variés ; capture même de notre propre regard ; traitement et stockage en temps réel des informations de l’endroit « où s’arrêtent » les yeux… par conséquent, capture de notre attention, communication vocale en toute discrétion, etc.
La science des données et l’économie du savoir sont impactées
Cette numérisation du monde externe devient de plus en plus intrusive et à la fois descriptive en prenant appui sur Big Data. Ces technologies promettent de tout savoir sur autrui (ou presque), mais aussi de partager avec autrui qui porte des lunettes connectées : partager une expérience spécifique dans un aéroport, un bus, un train, la rue, un magasin, un atelier, etc. Ces nouveaux services peuvent aussi améliorer la vie des malvoyants, ce qui est un bien en soi. Mais les voyeuristes ou les malveillants y trouveront en revanche des solutions à toutes les dérives possibles…
Sans oublier que « une connexion neuro-cloud effective ouvrirait immédiatement la voie au neuro-hacking avec des conséquences illimitées sur l’intégrité de l’individu et sur son libre-arbitre. La tentation d’un détournement de la technologie serait inévitable et mobiliserait l’ensemble de la communauté du hacking ». C’est ce qui peut probablement expliquer que « plusieurs élus américains ont adressé des questions à Google concernant ses lunettes Glass [car] ils craignent un dérapage sur la question des données privées ».
On peut envisager un ensemble d’applications au niveau du S.I. et des Métiers
Le marketing de l’entreprise en pleine transformation peut tracer instantanément un client qui navigue sur le web et personnaliser, de manière interactive, les interfaces riches de son écran mobile en fonction de ce que cet usager aime voir ou entendre à un instant donné. Si un client se rend dans un magasin réel, le double regard réel-virtuel hybride du commercial, grâce au port de lunettes connectées, cernera immédiatement les préférences connues, via Big Data, de ce client entrant. Dans les usines, des usages industriels spécifiques pourront de plus en plus se déployer avec ces technologies (inspection en mode nomade, maintenance, sécurité, etc.). Il sera possible de réparer un appareil en visualisant à distance les pièces et la documentation technique. D’autres applications se développeront d’ici 2020-2030.
Comment ne pas s’interroger sur le regard promis par les lunettes connectées ?
Que penser des lunettes connectées ?
Est-ce juste un coup médiatique ? Est-ce un gadget de plus pour les geeks ou, au contraire une affaire sérieuse, encore plus sérieuse que l’arrivée du smartphone ? Allons-nous voir émerger de nouveaux « terminators » ? La DSI a-t-elle son mot à dire ou s’agira-t-il d’un autre BYOD faisant partie des cadeaux de Noël ?
Quelles sont les applications pratiques possibles ou déjà réalisées ?
Peut-on par exemple imaginer une aubaine pour les labos de Recherche et Développement ? Qu’est-ce que cela changera dans l’interface homme-machine et les architectures associées ? Si la technologie est prête, avons-nous traité les questions épineuses de la Transformation ?
Ces pratiques « augmenteront-elles » notre regard sur le Réel ?
La société prendra-t-elle une tout autre dimension vue à travers les lunettes connectées ? Si cette puissance informationnelle est mise à la disposition de chaque individu, qu’en fera-t-il réellement ? Qu’est-ce que cela change de tout savoir et tout décrypter par le numérique si on ne comprend pas ce qui se passe en profondeur ? Aurons-nous Grandi pour autant ?
Quelles seront les conséquences socio-politiques et la transformation au niveau de l’économie de l’information ?
Est-ce qu’au final l’augmentation ne sera pas unilatérale, c’est-à-dire l’accroissement de la puissance des prédateurs du web ? Ou au contraire, est-ce le début d’un capitalisme cognitif maîtrisable par les masses alors que nous avons vécu 40 ans de capitalisme financier dominant la masse ?
Gérard Balantzian
Auteur et Conférencier à l’ITNE
____________________________
1 Exemple : Science & Vie juillet 2012, novembre 2013