À l’occasion de sa 51ème Assemblée générale, le Cigref a dévoilé l’édition 2021 de son Rapport d’orientation stratégique, « Futurs numériques : quelles trajectoires ? ».
Basée sur une méthode de raisonnement prospectif, cette nouvelle édition s’inscrit dans la lignée du Rapport d’orientation stratégique (ROS) 2020. En ce sens, ce document est, simultanément, le prolongement du rapport précédent et une brique supplémentaire à la réflexion stratégique du Cigref pour définir ses activités et son plan de travail. Ainsi s’articule-t-il autour de deux parties complémentaires : l’une de veille prospective et l’autre de scénarios pour les futurs numériques.
Ce Rapport d’orientation stratégique est l’aboutissement de cette réflexion annuelle, pilotée par un Conseil d’orientation stratégique composé de membres du Cigref et de personnalités qualifiées, sous mandat du Conseil d’administration du Cigref.
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Partie 01. Veille prospective
Cette partie propose une veille prospective sur les cinq grands champs de transformation du numérique identifiés en 2020. Pour mémoire, le Cigref a choisi, dans le premier ROS, de concentrer sa réflexion sur cinq thématiques clés couvrant largement les différentes facettes du numérique et identifiant leurs divers enjeux.
Sans prétention à l’exhaustivité, cette sélection espère toutefois offrir une approche transversale de l’objet d’étude protéiforme qu’est le numérique, et ce afin de nourrir les travaux du Cigref, mais aussi avec pour ambition de renseigner ses membres sur les évolutions majeures auxquelles se préparer. C’est dans cette même optique que chacun de ces champs thématiques a été actualisé en 2021. Là encore, loin d’être exhaustive, cette actualisation prospective s’appuie néanmoins sur une veille rigoureuse, des entretiens avec les experts membres du Comité d’orientation stratégique et cherche à rendre compte des préoccupations principales des membres du Cigref pour les 10-15 ans à venir. En voici les grandes lignes.
Champ 01. Enjeux technologiques et nouveaux usages
Un certain nombre de pratiques numériques se sont accélérées et l’usage de plusieurs outils s’est intensifié en réaction à la crise sanitaire (le cloud computing notamment). Les efforts de R&D déployés à l’échelle mondiale sur des technologies possiblement révolutionnaires (informatique quantique…) n’ont cessé de se renforcer. En parallèle, s’exprime une difficile recherche d’équilibre entre monde physique et monde virtuel après plus d’un an de distanciation physique, de même qu’un tâtonnement législatif en matière de régulation des pratiques en ligne, parfois abusives.
Champ 02. Numérique et environnement
Face aux ruptures climatiques majeures que s’apprête à vivre le monde moderne, le numérique n’est bien évidemment ni la panacée absolue, ni la cause unique de tous ces maux. Mais il a son rôle à jouer et est au cœur de plusieurs grands enjeux détaillés dans ce champ : optimisation énergétique et régulation des usages, disponibilité des terres rares et des matières premières, approches coopératives et systématisées des grands risques du 21e siècle, tout en évitant le spectre de la surveillance de masse…
Champ 03. Risques cyber et enjeux géopolitiques
Le nombre, la diversité et l’intensité des cyberattaques n’ont fait que croître en 2020-2021, révélant l’industrialisation massive du champ cyber. En parallèle, les États s’affrontent à grand renfort de lois autour de conceptions divergentes de la protection des données (personnelles et industrielles). Sont évoquées dans ce champ les réglementations européennes, chinoises, russes ou encore indiennes qui posent le cadre de nouvelles approches du cyber et de ses risques.
Champ 04. Fournisseurs et services numériques
Le fort développement de services numériques, sous influence de la crise sanitaire, a conforté la position hégémonique des leaders en la matière (Google, Microsoft, Amazon, Baidu…). Face à la puissance croissante de ces grandes plateformes, les gouvernements sont partagés entre une régulation plus stricte de leurs activités et leur crainte de les fragiliser et ainsi de perdre en compétitivité et leadership technologique. Cette situation est renforcée du fait que ces plateformes sont essentiellement américaines et chinoises et jouent un rôle important dans le bras de fer numérique opposant leurs gouvernements respectifs. Dans cette lutte, l’Union européenne cherche à se tailler une place, en structurant, notamment, un espace de mutualisation de données et de développement de cas d’usages innovants. Dans ce champ 4, sont détaillées quelques-unes des procédures législatives européennes les plus importantes sur ces questions.
Champ 05. Nouvelles formes de travail et engagement des collaborateurs
Si certaines transformations vécues dans le cadre de la crise sanitaire pourront s’avérer conjoncturelles, d’autres sont susceptibles, en revanche, de s’inscrire dans le temps long et de transformer les pratiques de recrutement, de formation, de management, d’organisation des entreprises et de leurs écosystèmes, jusqu’à leur possible plateformisation. Dans les prochaines années, le droit du travail pourrait alors lui aussi évoluer fortement.
Partie 02. Quatre scénarios pour les futurs numériques à l’horizon 2030-2035
À la suite de cette veille prospective, la seconde partie a donc pour ambition de proposer quatre scénarios des futurs numériques à horizon 2030-2035. Ces scénarios cherchent à présenter quelques archétypes de mondes possibles, en articulant, entre autres sources, les différents éléments identifiés au cours de la veille. Bien sûr, d’autres configurations sont envisageables. Mais les figures de l’avenir proposées ici permettent d’encadrer la réflexion sur les grands enjeux des 10-15 ans à venir et de mesurer, pour chaque scénario, leurs implications pour les entreprises et les organisations. Dans cette deuxième partie, de courtes nouvelles d’anticipation sont aussi proposées au lecteur. Inspirées par les scénarios prospectifs, elles permettent d’élargir nos visions des futurs possibles.
Scénario 01. Mondialisation régulée par les équilibres géopolitiques
Le premier scénario fait le pari d’un monde où la crise sanitaire aura servi de déclic et de prise de conscience pour les États comme pour leurs populations de la nécessité de se préparer aux défis environnementaux et sanitaires du 21e siècle. Les interdépendances économiques et les enjeux de gestion de crise, communs aux différents pays, favoriseraient alors le développement d’échanges politiques et commerciaux entre les acteurs (publics comme privés), selon une réelle logique d’intérêt général.
Scénario 02. Vers une « Europe puissance » dans un monde régionalisé
Dans ce scénario, les échanges économiques et les systèmes de normes (sanitaires, juridiques, commerciales…) se restructurent à l’échelle de grandes plaques régionales. Cette fragmentation du commerce international et des lois résulte de profondes divergences entre États en matière de gestion de crise (sanitaire, environnementale), mais aussi de découplage des trajectoires socio-économiques des pays, suite à la pandémie Covid et de ses répercussions.
Scénario 03. Une Chine conquérante dans un monde bipolaire
Ce scénario illustre une trajectoire dans laquelle la Chine parvient à s’affirmer comme leader des échanges internationaux. Dans un contexte sanitaire et environnemental très instable en 2030-2035, le pays promeut, en effet, son modèle de gestion de crises et se positionne comme partenaire de choix en matière de services, de solutions et d’infrastructures auprès des pays les plus en difficulté. Cette montée en puissance accélérée de la Chine exacerbe les tensions avec les États-Unis. Ce bras de fer impacte de nombreux pays du monde devant choisir leur camp. Divisée et fragilisée, l’Europe n’affirme pas sa « troisième voie ».
Scénario 04. Far West, colonies digitales et cartels numériques
Ce dernier scénario propose une immersion dans un monde profondément bouleversé par les impacts du changement climatique à horizon 2030-2035. Très fragilisés par leur endettement, de nombreux États ne sont plus en mesure de s’y préparer. Les géants du numérique, relativement préservés par la crise économique et pourvus d’immenses capitaux financiers, profitent alors de cette situation pour s’affirmer comme pourvoyeurs de solutions globales à l’attention des gouvernements, d’autres entreprises, voire des citoyens, et étendent même leurs services pour remplir certaines fonctions régaliennes des États.
Nouvelles du futur
Nous avons également sollicité des auteurs de fiction pour écrire des nouvelles d’anticipation afin d’incarner par des œuvres originales cette édition 2021. Ces œuvres originales nous plongent dans ces scénarios prospectifs et permettent d’élargir notre vision des futurs possibles.
Le Vol des cerveaux, par Alexis JENNI, écrivain, prix Goncourt 2011
Le Contrat, par Guy-Philippe GOLDSTEIN, auteur de fictions, enseignant et consultant cybersécurité
Pizza et supplément, par Ketty STEWARD, écrivaine et Présidente de l’association Réseau Université de la Pluralité
Black Kill Switch, par Henri d’AGRAIN, Délégué général du Cigref