Avant que les réseaux sociaux ne deviennent un nouvel « art de vivre », un réseau, une communauté de développeurs, œuvre sans tambour ni trompette pour mettre au monde un animal non moins silencieux, un petit manchot au large bec jaune, baptisé Linux… C’était il y a 20 ans, le 25 août 1991. Ce jour-là, Linus Torvalds présentait au monde de l’informatique un « noyau de système d’exploitation » Open Source, aujourd’hui adopté par des millions de serveurs d’entreprises et de postes de travail à travers le monde.
D’après Stéphane Gaillard, directeur France de Red Hat (entreprise qui contribue très largement au développement du kernel Linux), le succès de Linux repose avant tout sur la fameuse licence GNU GPL qui a évité à ce système d’exploitation de souffrir d’un manque d’innovation qui serait, selon lui, le principal défaut des systèmes propriétaires.
La naissance de “Tux” le manchot à pattes et bec jaunes…
Pour revenir à la naissance de Linux, c’est en 1991, non, pas sur la banquise… mais en Finlande, dans une université d’Helsinki, que Linus Torvalds, alors étudiant, équipe son i386. Mais il n’est pas satisfait de sa puissance. Il entreprend de développer un noyau de système d’exploitation, d’abord un simple émulateur de terminal, puis un projet plus complexe aux normes POSIX. C’est le 5 octobre 1991 qu’il présente, sur un forum, la seconde ébauche de son noyau en version 0.02 et fait appel à la contribution de développeurs :
« …Ceci est un système pour les bidouilleurs par un bidouilleur. Je me suis bien amusé à le faire, et ça plaira peut-être à quelqu’un d’y jeter un coup d’oeil et même de l’adapter à ses propres besoins. Il est suffisamment petit pour le comprendre, l’utiliser et le modifier, et j’attends impatiemment les commentaires que vous pourriez y apporter… ».
Le principe de développement participatif est lancé, sans mesurer à l’époque l’impact que cette idée originale pourra avoir dans l’avenir avec ce qui s’appelle désormais l’Open Source. De très nombreux « bidouilleurs passionnés » ont répondu à cet appel et ont participé au développement de Linux, toujours sous la coordination de Linus Torvalds. Au début, le développement reste désordonné, ce qui ne permettra pas à Linux de s’inscrire comme un système compétitif. A ce stade, le noyau de système d’exploitation ne s’appelle pas encore Linux mais « Freax », nom choisi par Linus. C’est un administrateur du service FTP qui, en créant un répertoire nommé « Linux », issu du mix de Linus et de UNIX, lui donnera son nom définitif.
De même, Linux n’a pas encore sa célèbre effigie, baptisée Tux, qui n’est pas un pingouin, contrairement à ce que certains croient, mais un manchot pygmée. La confusion vient sans doute du fait que « manchot » se dit « penguin » en anglais. Il est devenu la mascotte officielle de Linux, en 1996 sous le crayon de Larry Ewing à l’issu d’un concours. Son dessin original a été retravaillé par Linus Torvalds lui-même.
La croissance de Linux
Linux doit notamment sa reconnaissance à progressive sur le marché notamment au lancement de « l’Open Source Initiative », en février 1998. Ce fut ensuite Oracle qui, en juillet 1998, porte sa base de données sous Linux, et à l’appui d’IBM, qui emploie des développeurs travaillant sur Linux, et lui apporte son soutien contre SCO Group qui affirmait détenir des droits d’auteurs sur le noyau Linux. Pour autant, le système n’aurait pas pu se développer comme il l’a fait sans les protocoles standardisés d’Internet.
Cette année, le CIGREF déclare : « Le niveau de maturité des entreprises vis-à-vis de l’Open Source a beaucoup évolué ces deux dernières années. Les conséquences économiques de la crise, l’évolution des relations DSI-Métiers de l’entreprise, celle des stratégies des acteurs du marché IT ont participé à cette prise de conscience des enjeux et des possibilités de l’Open Source. Avant, il fallait convaincre que l’Open Source n’était pas une « sous-solution ». Aujourd’hui il faut justifier sa non-prise en compte ».
Bonjour,
habitué à trouver une inspiration et des encouragements dans les messages de votre site, j”en profite pour vous renouveler mes remerciements.
Sur la capacité d’innovation ou plutôt l’alignement aux nouveaux besoins, ne pourrait-on pas dire aujourd’hui la même chose sur les référentiels de gouvernance de SI sous copyright ?
D’après vous, est ce que Intellectual Property figure dans les glossaires des référentiels connus ?
Les Creative Commons ne seraient-ils pas au copyright ce qu’est l’Open Source aux logiciels propriétaires ?
Et si on développait un référentiel de gouvernance SI sous Creative Commons ?
Bonjour,
Il y a une grosse erreur dans votre présentation : ce n’est pas Linux qui a lancé le développement collaboratif. Le projet GNU ( https://www.gnu.org/ ) le faisait et/ou l’encourageait déjà depuis un moment (création en 1984 par Richard Stallman, dit “RMS”).
Par ailleurs, les systèmes GNU/Linux d’aujourd’hui ne sont pas seulement “Open Source”. La plupart des logiciels qu’ils incluent sont vraiment “libres” au sens de la licence qu’ils utilisent. Ils ne se contentent pas de publier leur code source.
Par exemple, la GPL (une des plus utilisées dans le monde de GNU/Linux) permet les 4 libertés suivantes :
0. La liberté d’utiliser le programme dans n’importe quel but.
1. La liberté d’étudier comment le programme fonctionne et de l’adapter à ses besoins. [Le caractère Open Source n’étant qu’une précondition à ce point]
2. La liberté de redistribuer des copies
3. La liberté de distribuer des copies des versions modifiées et ainsi contribuer à la communauté [Le caractère Open Source n’étant qu’une précondition à ce point].
@L.I.A.R. : Open Source ne se limite pas à publier le code. Il faut pour cela se référer à la définition de l’open source (OSD) : http://www.opensource.org/osd.html
Cependant, le mouvement du logiciel libre (né dans les années 1980) est bien antérieur à Linux et à l’Open Source Initiative (OSI). De toute façon, Linux, le noyau, est sous licence GPL (General Public License) depuis ses débuts, et cette licence est le fruit du travail de la fondation FSF pour le logiciel libre, pas celle de l’Open Source Initiative. L’OSI a surtout cherché à dépolitiser et dé-radicaliser les propos de la FSF envers une société plus libre et égalitaire. Dans ce sens, son but est atteint : tout le monde fait du logiciel libre (pardon “du logiciel open source” :-), y compris Oracle et Microsoft.
C’est amusant de voir que la prétention de l’OSI, de créer une dénomination non ambiguë pour le logiciel libre, a échoué. Initialement sous prétexte de clarifier le Free Software, puisque “free” signifie autant “libre” que “gratuit” en anglais et que beaucoup ont mal compris le sens de “Free Software” en l’assimilant à du “logiciel gratuit” (freeware), Open Source devait apporter une clarification.
@Hubert Tournier : excellentes formulations ! le code ouvert et les logiciels libérés ! ça coupe l’herbe sous le pied aux querelles sémantiques et c’est empreint de réalisme !
@Camille: Je fais don de ces expressions à la communauté !
(et je propose freed software pour la VO de la seconde)