L’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne organisait une journée de réflexion pour identifier « les talents pour l’entreprise numérique ». Dans ce contexte, Jean-François PEPIN, Délégué Général du CIGREF, a évoqué la place prise par l’e-leadership, compétence indispensable pour la compétitivité des entreprises au sein de la société numérique.
L’histoire des technologies ne serait-elle qu’un perpétuel recommencement ?
Il a commencé par rappeler que le CIGREF était né d’une vision prospective détaillée dans un ouvrage publié en 1968 sous le titre « le Pari Informatique ». Ouvrage qui proposait « les conséquences prévisibles du développement de l’automatisation de la gestion des entreprises ». Déjà à cette époque se pose des questions à propos du phénomène de l’informatisation, comme une prise de conscience sur l’homme et sur l’organisation des effets techniques… ou encore celle de l’enjeu économique pour les entreprises dont « la productivité et leur capacité concurrentielle dépendront très largement de la façon dont elles auront su assimiler ces méthodes et préparer l’ère nouvelle de l’automatisation ainsi que de la rapidité avec laquelle elles auront mis en œuvre ces techniques ». Autre question d’importance, celle de la formation : « la réussite à terme du pari de l’informatique, concerne la formation des jeunes à tous les niveaux; tous les enseignements, depuis le secondaire jusqu’aux enseignements supérieurs, sont directement concernés par cette évolution et par la nécessité d’y apporter de très profondes inflexions ».
Si 45 ans plus loin ces questions conservent leur pertinence, quelques changements notables concernent le contexte : le monde est connecté chaque jour davantage, notre mode de vie est de plus en plus collaboratif, sans parler du foisonnement exponentiel des données, de la transformation des accès au savoir : les recherches effectuées sur Google dépassent quotidiennement le milliard. Autre changement, une entrée dans la civilisation du cyber-risque.
Jean-François PEPIN souligne que ce « nouveau terrain de jeu génère de nouvelles règles ». Pour identifier ces nouvelles règles et leurs conséquences, il évoque les travaux conduits par le CIGREF au sein de sa Fondation de Recherche, qui ont mis en évidence une large extension du champ de la production de valeur par les entreprises et l’accélération des liens numérique en cours qui conduit à l’instantanéité des échanges au sein de la société et de l’entreprise. Des changements caractérisé par un néologisme, l’Accéluction, et détaillés dans une publication « Designer l’Entreprise numérique de 2020 ».
Quels sont les enjeux du « e-leadership » pour la société numérique ?
Jean-François PEPIN relève les impacts sur le marché du travail de cette transformation numérique. Il évoque un rapport de 2014 de l’Institut Roland Berger : « Les classes moyennes face à la transformation digitale » qui met en évidence que « pour la première fois les métiers automatisables ne sont pas uniquement des métiers manuels. Des tâches intellectuelles sont de plus en plus prises en charge par les outils numériques […] les tâches préservées par l’automatisation sont celles qui requièrent de la créativité, au sens artistique, de l’intelligence sociale ou du contact humain qu’elles se rapportent à un métier manuel ou intellectuel, peu ou bien qualifié ».
Dès lors, comment ne pas considérer les attentes managériales, matérialisées sous l’appellation « e-leadership » qui apparait dès 2013 dans la littérature produite par la Commission Européenne. Pour la Commission, l’enjeu est clair : « …les compétences de l’e-leadership sont essentielles pour l’industrie européenne afin de maintenir une excellente position concurrentielle mondiale !… ». Elle s’appuie sur deux constats :
– Les travaux de recherche ont confirmé une importante pénurie de compétences « e-direction » à travers l’Europe !
– La pénurie de compétences « e-leadership » nécessite une série d’actions de l’écosystème de l’éducation. En particulier, il y a besoin d’une forte mobilisation pour créer de nouvelles offres de formation.
Ainsi, la Commission Européenne conclut : « …il y a urgence pour les universités et les écoles de commerce de répondre efficacement à la demande du marché avec des offres adaptées pour éduquer et former des e-dirigeants ».
L’impact du « e-leadership » sur le management des entreprises
Jean-François PEPIN rappelle que le CIGREF travaille également à sensibiliser aux besoins de « e-leadership » auquel il a consacré un chapitre de son ouvrage « Entreprise 2020 à l’ère du numérique : 9 enjeux et défis ».
L’enjeu pour les dirigeants est de savoir adapter leur leadership aux nouvelles règles et aux nouveaux codes induits par le numérique :
– construire des relations entre les différents métiers,
– gérer les changements, développer une vision globale et stratégique,
– encourager l’innovation et l’expérimentation…
Pour lui, deux notes d’espoir viennent de ce que les dirigeants prennent désormais plaisir à parler numérique dans de nombreux colloques, alors qu’ils refusaient de parler d’informatique ! Et 56 % des sociétés ont exposé leur stratégie numérique lors de leur dernière AG !
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Cet article s’appuie sur les notes prises pendant la conférence, avec tous les risques d’interprétation que cela induit. Il n’engage pas les personnes citées.