Demain le web selon Google

L’accéluction pratiquée par Google

Il n’échappe plus à personne que le monde qui nous entoure change : de nouveaux outils numériques éclosent chaque jour, les nouveaux usages qui les accompagnent se bousculent, aussi bien dans la vie privée que dans la vie professionnelle. Ce mouvement, rapide, le programme international de recherche de la Fondation CIGREF sur le « design de l’entreprise à 2020 », le nomme « Accéluction ». Et les moteurs de recherche quant à eux, resteraient-ils immuables au sein de cet univers agité ? Certes non !

Même si la fonction d’un moteur de recherche reste la même depuis l’origine, c’est-à-dire apporter la meilleure réponse possible à chaque requête des internautes, une de leurs premières évolutions, qui colle au concept d’accéluction, est d’être en mesure de servir ces réponses de plus en plus vite, alors même que le web rassemblerait quelques 1000 milliards de pages ! Mais qu’est-ce que « la meilleure réponse » pour un moteur de recherche ? A l’évidence, le premier critère est d’être celle qui satisfait l’internaute. Parce que bien servi, comme n’importe quel client, l’internaute revient… Désormais, il « googlise » tout ! De la recette de cuisine à « l’entreprise numérique», en passant pas le théorème de Pythagore ! Comment le moteur peut-il savoir que l’internaute est ou non satisfait par l’affichage des premières réponses qu’il privilégie sur ses pages de résultats ? Le premier indice de satisfaction qu’il repère, c’est que l’internaute clique sur l’une des premières réponses proposées et qu’il n’ait pas besoin de revenir en chercher une autre ! Facile à dire… car pour être sûr d’apporter LA bonne réponse, très vite, et dès la première page de résultats, quelle que soit la question et sans connaitre l’intentionnalité de chacun des internautes, quand on est un robot armé de seuls algorithmes, l’art est difficile ! 

Le concept d’accéluction ne se réduit pas à cette accélération numérique, il évoque aussi « une large extension du champ de la production de valeur par les entreprises ». Alors, lorsque l’on est l’entreprise qui se présente ainsi : « Our mission is to organize the world’s information and make it universally accessible and useful », l’extension du champ de la production de valeur est inscrite dans son ADN. Dès lors, on ne saurait se satisfaire de servir des réponses aléatoires ! A terme, court sans doute car la fonction est déjà en test, Google devrait donc proposer lui-même des réponses aux questions des internautes, sans renvoyer sur des sites tiers… Exemple, lorsque l’internaute tapera un nom comme « Steve Jobs » dans le champ de recherche du moteur, celui-ci proposera directement dans la colonne de droite une réponse biographique du style : « Steven Paul Jobs, dit Steve Jobs, (né le 24 février 1955 à San Francisco et mort le 5 octobre 2011 à son domicile de Palo Alto) est un entrepreneur et inventeur américain, largement reconnu comme un visionnaire et un des pionniers de la révolution de l’ordinateur personnel… », actuellement proposée par Wikipedia.

Cultiver le « lien parfait » !

La règle du jeu instaurée par le moteur de recherche depuis l’origine pour hiérarchiser ses réponses, celle sur laquelle il a conçu ses algorithmes, est fondée sur l’idée que les liens vers une page ou un site sont un plébiscite qualité pour son contenu. Faire, et obtenir des liens en nombre, parfois souvent sans autre objectif que le nombre, était donc devenu un sport très prisé dans l’univers SEO (Search Engine Optimization) pour faire grimper un site jusqu’au graal : la première position des résultats de recherche pour un maximum de mots clés ! Dès lors, s’est engagé un jeu de « chat et de la souris » entre le moteur et les référenceurs, le premier cherchant à discerner le bon grain de l’ivraie, ivraie qu’il n’hésite pas alors à « arracher » sans ménagement de ses résultats. Avec Penguin, le moteur a encore affuté la chasse à ce que Matt Cutts appelle des « liens inorganiques ». Du coup, un SEO dépouillé de son arme favorite, le « lien endémique »… est un SEO déstabilisé ! Pour prolonger la métaphore agricole, l’agence Axe-Net, spécialiste du référencement, encourage le « référencement bio, c’est-à-dire qu’il faut traiter chaque pousse (le lien) en respectant les règles qui permettent d’obtenir le label ».

Les algorithmes de Penguin aiment les contenus frais !

Suivant encore le principe d’extension de valeur, le gentil nom de « pingouin » donné par Google à son nouvel algorithme n’est peut-être pas dénué d’arrière-pensées. En effet l’animal, si algorithmique soit-il, aurait une attirance particulière pour les « contenus frais » ! Même si ce n’est certes pas à entendre au sens climatique 😉 mais bien à celui de nouveauté, d’actualité. Autrement dit, des contenus renouvelés souvent « notamment pour répondre aux nouveaux usages tels que la mobilité, la recherche locale et la dynamique des médias sociaux qui produisent de plus en plus d’actualité ».

En effet, comme pour toute entreprise, la notion de concurrence plane aussi sur la planète Google. Certains prétendent même que le moteur aurait tendance à éloigner mécaniquement de ses pages de résultats d’autres services concurrents comme les annuaires permettant également de trouver des sites web ou les agrégateurs de contenus…

Cette démarche de plus en plus stratégique de production régulière de contenus de qualité, rédigés et optimisés à la fois pour l’internaute et pour les algorithmes des moteurs, qui se préparent dès à présent pour la « recherche sémantique », requiert de nouvelles compétences, des ressources humaines sensibilisées au sein de l’entreprise.

Des lunettes pour changer de regard…

Si l’usage des terminaux mobiles bouleverse notre manière de concevoir l’internet, les objets connectés aussi, et leur influence sur le « search marketing » va grandissant. Toujours prompt à étendre son champ de création de valeur, Google a également pris place sur ce secteur. Le cofondateur de Google, Sergei Brin lui-même, a présenté les « lunettes Google », objet connecté qui souhaite également changer le web et la recherche sur le web, sans même attendre que lui soient ajoutées des fonctionnalités de réalité augmentée… Par exemple lorsque, d’un geste imperceptible, un client interrogera les lunettes, via le QRcode d’un produit, pour savoir si celui-ci ne se trouve pas moins cher dans un magasin à proximité, il pourra apercevoir du même coup le chemin pour y aller sur une Google Maps !

D’autres évolutions plus discrètes, mais non moins importantes telles la sortie de l’IPv6 qui donne du volume aux adresses IP, ou l’arrivée du HTML5, nouvelle syntaxe du web, ont des conséquences sur le travail des moteurs recherche, déjà anticipées dans la technologie du navigateur Google Chrome…

L’avenir du SEO pour l’entreprise…

En corollaire à cette « accéluction selon Google », l’univers des professionnels du référencement, qui s’était rassemblé à Paris début juin dans le cadre de la conférence SMX2012, s’est ému de l’apparition du jeune « Penguin » et de tous les signaux donnés par le moteur quant à sa nouvelle vision du web !

Rendre des pages web visibles (parmi le billion de pages existantes) donne de plus en plus de fil à retordre, que l’on travaille en agence ou au sein des entreprises… Autre exemple parmi les signaux inquiétants adressés par Google, celui-ci donne de moins en moins d’informations sur les requêtes qui conduisent l’internaute sur un site. Le moteur déploie une fonction algorithmique « keyword not provided » qui consiste à cacher les requêtes de recherche des internautes en les remplaçant par un mystérieux « &esrc=s », qui s’affiche en lieu et place des mots clés dans les outils statistiques. Plus de 30% des requêtes seraient ainsi déjà obscurcies par Google ! Connaitre l’intérêt du client et ses éventuelles intentionnalités pour valoriser ses pages à bon escient devient de plus en plus problématique.

Dès lors, qui dit changement dans le « search marketing » dit incidences sur les business models de l’entreprise pour laquelle il est vital d’exister sur le web ! Aujourd’hui, aucune marque, si réputée soit-elle, ne saurait se passer des flux drainés par Google. L’art de rendre visible une entreprise, une marque sur internet, exige de la part de l’entreprise non seulement une bonne perception des enjeux, du contexte, mais surtout de savoir s’entourer des meilleures compétences en matière de SEO. Ce métier, tout jeune pourtant même à l’échelle des métiers informatiques, est en mutation perpétuelle et oblige, au-delà même des compétences spécifiques à ce métier, à une grande vigilance pour savoir se préserver toujours « un coup d’avance » sur les stratégies et les évolutions numériques…

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7 Comments
  1. Regard intéressant sur l’avenir du web et de certains métiers tels que le SEO, et les fameuses lunettes de google auront peut-être encore plus d’impact que le mobile.
    Toutefois, avant d’en arriver à une utilisation véritablement similaire à ce qui est présenté dans les vidéos sur ce projet, je pense que big G a encore pas mal de boulot, notamment sur la sémantique.

    L’exemple du QR code d’un produit est bien pensé, mais certainement irréaliste. Il faudrait que les producteurs / distributeurs insèrent un QR code sur leurs produits qui permettrait à leurs clients d’aller voir ailleurs plus facilement. Quel intérêt?
    Ou alors on arrive sur la page produit, on copie/colle le nom dans le moteur de recherche et ainsi de suite.

    Google n’aurait donc d’autre choix que de pouvoir identifier clairement les mots (en lisant les étiquettes ou panneaux par exemple), leur sens et leur contexte via mobile ou lunettes, et proposer LE contenu pertinent. Or avec le SEO on se rend que ce n’est pas encore gagné…

  2. Sylvain

    La recherche universelle était le premier moyen de Google d’accéder à une hégémonie de ses services sur la première page de ses résultats.
    La recherche sémantique en est une autre (cf : http://blog.axe-net.fr/google-recherche-semantique/ )
    qui permet à Google de garder toujours plus longtemps l’internaute sur son réseau de sites afin d’arriver à l’objectif final, le faire cliquer sur une publicité.
    Avec 12 milliards de revenus sur le 2ème trimestre 2012 + 14% / 2011 ( dont 10,4 avec la publicité seulement) on voit bien que cet aspect est critique pour GG.

    Et pour prêcher au-delà de ma paroisse, si le SEO reste indispensable, je pense qu’il se doit d’être le plus intégré possible aux métiers connexes de l’entreprise (marketing, communication) afin de permettre à l’entreprise de s’assurer une bonne visibilité dans une première page ou les résultats naturels se réduisent comme peau de chagrin.

  3. Christophe

    Effectivement, il semble que le métier de SEO s’avère de plus en plus nécessaire, mais aussi qu’il exige de plus en plus de compétences. En même temps, ça semble bien être le combat du pot de terre contre le pot de fer… Et le “coup d’avance” qui est évoqué à juste titre pourrait bien rester entre les mains de Google qui, soit dit en passant exploite parfaitement ce concept d’accéluction présenté par les chercheurs.

  4. Gabriel

    On ne voit pas bien ce qui pourrait faire perdre á Google la position hégémonique qu’il a réussi á s’octroyer !
    Actuellement on dirait qu’il a bien plus qu’un coup d’avance…

  5. Eric

    L’analyse de la transparence de Google est louable et l’internaute doit juger la pertinence des réponses du moteur. S’il s’avérait que les réponses sont de plus en plus orientés, le système disparaitrait de lui même. Pour en juger, il suffit de questionner d’autres moteurs (Bing…), et comparer. Malgré les griefs qui ne manqueront pas avec des milliards d’utilisateurs, quel bonheur d’avoir un moteur de recherche performant à disposition.

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