Contribution de Jean-François PEPIN
Délégué Général du CIGREF,
Président de la CSTIC
« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »
Albert Camus
Les usages – et le langage en fait partie – qui se développent en entreprise jouent un rôle prépondérant dans l’émergence de nos cultures. C’est d’autant plus important qu’une nouvelle culture est en train de se forger…
« Il est en train d’émerger un autre modèle avec les cultures et les pratiques issues du numérique »
Milad Doueihi
Or le langage relève aussi d’un « choix citoyen ». Dans le prolongement de la Journée internationale de la Francophonie du 20 mars 2012, il convient de mettre en valeur le rôle que tient la Commission spécialisée de terminologie et de néologie de l’informatique et des composants électroniques (CSTIC) dans le dispositif d’enrichissement de la langue française.
Force de proposition, la CSTIC se situe en amont du processus d’approbation des nouveaux termes et expressions destinés à enrichir la langue française. Elle peut être consultée sur toute question intéressant l’emploi de la langue française dans l’informatique et les composants électroniques. Les membres de la CSTIC sont des représentants de l’Académie française et de l’Académie des sciences, de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), de l’administration, d’associations publiques et privées (dont le CIGREF), d’entreprises, des pays de langue française, des traducteurs et des linguistes.
Cette commission a pour missions :
- d’élaborer des listes d’équivalents français aux termes étrangers de l’informatique et de l’internet
- de dresser l’inventaire des termes utilisés dans leur langue d’origine
- d’en sélectionner les plus utiles, d’en proposer des équivalents français en les accompagnant d’une définition
- de veiller à l’harmonisation des termes, expressions et définitions avec ceux des autres organismes de terminologie et avec ceux des pays ou des organismes dont le français est la langue officielle ou la langue de travail
- de contribuer à leur diffusion.
Dès lors, comme le rappelle un de ses membres « … il ne s’agit pas d’un purisme franchouillard anti-américain, il s’agit de rendre compréhensible tous les objets du quotidien numérique pour que la compréhension du sens alimente celle de l’usage. Le monde numérique impose la maîtrise de ses codes… ». Ou encore : « … pourquoi employer une expression ou un mot anglais quand il existe déjà une expression ou un mot français pour désigner la même chose ? Exemples : « working paper » pour « document de travail » ou « data center » pour « centre d’hébergement ». Ce dernier cas montre d’ailleurs qu’une bonne traduction n’est pas forcément un décalque de l’expression anglaise. À ce niveau, employer un terme anglais relève tout simplement de la paresse ou d’une grande inculture ou d’une mauvaise formation. Exemple : « IT » pour « informatique », « digital » pour « numérique » !… ».
Certes, d’aucun diront qu’il est regrettable que nos travaux suivent souvent l’usage au lieu de le précéder. Je les invite à nous faire part de leurs propositions sur l’outil de veille de terminologie. Il permet de construire une campagne de consultation et de voter sur les termes, donnant une idée de leur perception par la « société civile ».
Retenons que les objets, et la façon dont on les nomme, jouent un rôle capital dans le façonnement de la pensée, et conditionne de fait notre représentation du monde, à l’instar de l’exemple donné par Milad Doueihi, auteur de « Pour un humanisme numérique » : « de la culture de la chaise… à la culture numérique ! …Pour illustrer cette idée, il prend deux cultures, que l’on connait très bien : une culture avec la chaise, qui est la Chine, et une culture sans la chaise, qui est l’Inde. Il suffit de regarder les objets culturels, on voit cette différence énorme ».
Ecouter l’interview de Jean-François PEPIN, président de la CSTIC, sur France Culture, au journal de 8h de Christine Moncla, le 20 mars 2012 :