C’est à Québec, dans le cadre du Musée de la Civilisation, que l’on porte ces « Regards sur les cultures numériques », pour en percevoir les enjeux et les perspectives.
Selon Milad Doueihi, titulaire de la toute nouvelle « Chaire de recherche sur les cultures numériques » de l’Université de Laval, « Le numérique interroge nos objets premiers : ceux du savoir, comme du politique. Il le fait par un double jeu : d’une part, il semble s’approprier ces objets culturels tout en les faisant circuler dans un nouveau contexte et en modifiant leurs propriétés ; d’autre part, en introduisant des objets inédits. Ce double rapport explique, en partie, à la fois la familiarité du monde numérique mais aussi sa dimension aliénante ».
Quel lien entre les cultures numériques, les entreprises et le CIGREF ?
Bruno Ménard, président du CIGREF
La raison d’être du CIGREF lors de sa création a été d’accompagner les grandes entreprises dans cette aventure que fut l’informatique, puis les systèmes d’information, et maintenant le numérique.
Le CIGREF joue, depuis 40 ans, un rôle important en termes d’influence et d’échanges de pratiques dans ces domaines. Nous avons d’ailleurs fêté nos 40 ans l’année dernière, en 2010. Cela nous a amenés à nous poser des questions importantes. Maintenant, les systèmes d’information sont bien implantés, bien déployés dans les entreprises. Cela nous a donné l’opportunité de réfléchir un peu plus en avant, de nous projeter vers 2020 ! Pour cela nous avons créé une Fondation de Recherche, la Fondation CIGREF qui a permis de lancer un grand programme international de recherche afin de « mieux comprendre comment le monde numérique transforme notre vie et nos entreprises ». Ces travaux doivent aussi nous donner des repères sur la suite, pour le CIGREF après 2010.
Ces espaces de réflexion se sont beaucoup ouverts, la Fondation CIGREF a aussi permis de rencontrer beaucoup de personnalités dans le monde entier. Nous avons ainsi rencontré Milad Doueihi, nous avons écouté sa pensé. Nous avons été frappés, d’abord par son ouvrage, « La grande conversion numérique » qui a renforcé pour le CIGREF une vraie conviction. Le monde numérique est en train de se créer, ce qui sera déterminant pour le 21ème siècle, et que l’on ne peut pas concevoir les sociétés de demain sans réfléchir au numérique. Ces enjeux sont certes des enjeux de société mais aussi des enjeux pour les entreprises. Le monde numérique abolissant les frontières, les entreprises sont des acteurs sociétaux comme d’autres et l’on ne peut se tenir à l’écart.
Nous avons beaucoup réfléchit, on a mis en place des groupes de travail pour définir le numérique, ce qui nous a conduits, l’année dernière à une nouvelle conviction : le numérique est une nouvelle ère dans la continuité des systèmes d’information. Les caractéristiques de cette « ère numérique » sont d’ores et déjà qu’il s’agit d’un mouvement sociétal très fort dans lequel les entreprises vont devoir s’inscrire, ce qui change complètement la donne. Voir la gestion des systèmes d’information à l’intérieur de l’entreprise n’est plus suffisant, il faut maintenant voir d’abord avec ce qui se passe dans l’écosystème de l’entreprise pour le ramener dans les organisations afin de les faire évoluer.
On a adopté une nouvelle mission pour 2010 – 2015, « promouvoir la culture numérique comme source de performance et d’innovation ». Nous sommes ainsi passés de l’usage des systèmes d’information, notre précédente mission, à la culture numérique. C’est un vrai saut dans l’avenir, dans l’inconnu certes, mais dans l’avenir. C’est toute cette genèse, que l’on a partagée avec vous sur la notion de cultures numériques, qui nous a amenés à soutenir ce projet de création de « Chaire de recherche sur les cultures numériques » de l’Université de Laval. Nous avons donc signé une convention de partenariat avec le Doyen Denis Brière en décembre dernier.
A travers ma présence aujourd’hui, le CIGREF représente 130 grandes entreprises françaises convaincues que la question sur les cultures numériques est très importante pour elles. Cela parait assez simple finalement, mais ce saut très ouvert des systèmes d’information vers le numérique, dans le milieu de l’entreprise n’est pas un saut facile ! Il représente une perte de repères. L’objectif de l’entreprise est de créer de la valeur ajoutée pour ses employés, ses clients, ses actionnaires. Que veut dire pour la notion de cultures numériques ?
Vers un nouveau monde, de nouvelles civilisations numériques…
En quelques mots, parce que cela sera aussi l’objet de réflexion de ce colloque, nous avons la conviction profonde que ce monde numérique qui se crée, on en est vraiment au début, va déterminer ce que sera le monde au 21ème siècle, ce que seront les sociétés au 21ème siècle. Ce monde nouveau se crée avec ses codes, avec ses normes, avec son dynamisme. C’est un espace sociétal, citoyen, culturel. C’est un espace économique pour l’entreprise. De nombreuses études indiquent que le numérique sera l’opportunité d’une croissance forte pour les entreprises.
Ce monde va être différent du monde que nous connaissons. Cette différence va être à la fois créée de manière organique, spontanée, mais aussi par la façon dont les acteurs vont se comporter. Nous sommes convaincus que les entreprises ont un rôle fort à jouer, non seulement en termes de création de nouveaux territoires de création de valeur pour elles, mais également en tant qu’apport sociétal qui va influencer l’évolution du monde numérique. Sachant que l’on n’en est qu’au début. On le voit, le monde numérique va évoluer. Cette représentation du monde physique qu’on aura dans le numérique va prendre une place de plus ne plus importante.
Les entreprises doivent jouer un rôle dans la création de ce monde numérique…
Peut-être sommes-nous à l’ère de la création de nouvelles civilisations numériques. Dans sa réflexion, Milad Doueihi, qui part des religions, fait un lien extrêmement important sur l’importance que prendra ce monde numérique dans les années à venir, dans lequel les cultures d’entreprises vont prendre place. C’est un sujet extrêmement important pour nous, non seulement pour l’entreprise et sur le plan sociétal. Il n’y a pas de distinction à nos yeux, les entreprises doivent se projeter, doivent être partie prenante dans la création de ce monde-là, de ses valeurs, de ses cultures. En espérant qu’elles s’orientent vers des cultures riches, ouvertes. Riches de ses diversités, ouvertes de ses communications, non pas de mondes fermés qui ne communiquent pas entre eux. C’est un temps très important aussi pour ce que sera le monde de demain pour nos enfants, nos petits-enfants.
J’espère avoir clarifié en quoi nous percevons l’importance des cultures numériques de l’entreprise dans le monde numérique. Le CIGREF se positionne en France, et plus largement sur le plan international, comme un carrefour d’échanges sur les cultures numériques et l’entreprise, réfléchissant aussi sur la notion « d’entreprise numérique ».
Nous sommes très heureux que cette Chaire se mette en place, et très impatients d’en voir les résultats !
Présentation de Thierry Belleguic, doyen de la Faculté des Lettres de Laval
Lorsque j’ai lu « La grande conversion numérique » de Milad Doueihi (premier Grand Témoin des rencontres trimestrielles du CIGREF), je me suis dit qu’il serait extrêmement intéressant, pour une faculté qui compte déjà un certain nombre de laboratoires dans le champ du numérique, d’accueillir au sein de la Faculté de Lettres de l’Université de Laval une personne qui propose une approche aussi originale de la question du numérique. Cela a été le début d’une longue aventure, de hasards heureux, de rencontres, comme celles avec messieurs Bruno Ménard et Jean-François Pépin, présents aujourd’hui. Une rencontre qui a conduit à la signature, en décembre dernier, d’un accord de collaboration avec le CIGREF. D’autres rencontres heureuses, comme celle avec Daniel Caron, Bibliothécaire et Archiviste Canada, qui est également aujourd’hui un partenaire privilégié de nos projets, à qui nous devons que ce colloque ait lieu.
Nous sommes heureux de permettre la rencontre de ces réseaux. Québec présente cette particularité de faire se rencontrer des théories et des pratiques du numérique à la fois d’Amérique du Nord et d’Europe. C’est un lieu privilégié pour engager et poursuivre ce dialogue sur des pratiques pas complètement hétérogènes mais suffisamment distinctes pour qu’on s’y arrête. Le lieu de l’Université Laval va être un rendez-vous que nous souhaitons régulier.