La bosse des maths
ou des mots !
Des équipes de chercheurs se « creusent la tête » pour tracer le « design de l’entreprise de 2020 ». Ils conduisent 30 projets internationaux portés par une cinquantaine de laboratoires de recherche aux Etats-Unis, en Europe, en Chine et au Japon… Mais à propos de design, à quoi ressemble celui d’un cerveau de chercheur ? Dit autrement, existe-t-il des « neurones de scientifiques » ? C’est une des très sérieuses questions qu’étudie le neurobiologiste Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France.
Le Professeur Dehaene, Grand Prix Inserm 2013 pour son travail sur la conscience, s’intéresse à la territorialité du cerveau. Chaque type d’apprentissage a-t-il une zone dédiée dans notre cerveau ? Si oui, quelle est l’interaction de l’éducation, voire de l’environnement social, sur ces zones dédiées, sur leur évolution ?
La « bosse des maths », mythe ou réalité ?
Pour le chercheur « la conscience serait issue d’un système de connexions corticales à longue distance qui permet au cerveau de diffuser de l’information… Etre conscient, c’est avoir une information disponible dans l’espace de travail neuronal global… ».
Est-ce que la lecture, ou le fait d’effectuer une opération mathématique, façonne les connexions neuronales ? Les travaux conduits en laboratoire montrent que la lecture impacte une petite région du cerveau, l’aire de la forme visuelle des mots. Elle sert à l’assemblage des lettres entre elles, mais elle n’existe que si l’on a appris à lire.
Pour les maths, la fameuse « bosse » est plus précisément un domaine servant à la compréhension des nombres. Son activation est visible avec l’IRM. C’est le sillon intra pariétal.
Interaction entre éducation et organisation du cerveau
C’est un des grands sujets de recherches, conduites en laboratoire, que d’essayer de comprendre comment l’éducation aux nombres, à l’arithmétique, à la lecture… modifie les circuits qui nous sont donnés.
Le Professeur Dehaene explique « l’exploration du sens des nombres est un bel exemple d’analyse de psychologie cognitive expérimentale commencée chez l’adulte. Très vite, on a découvert que certaines compétences élémentaires existaient déjà chez le jeune enfant, avant même l’entrée à l’école. Par des méthodes de comportement, on s’est rendu compte qu’elles existaient chez le bébé. On en est à l’existence des compétences chez le nourrisson de quelques heures de vie ».
Pour la psychologie expérimentale, il existe des techniques comme la mesure du regard. On évalue combien de temps l’enfant regarde un événement. On a remarqué par exemple que lorsqu’il est surpris, il regarde plus longtemps. Si on lui présente des objets, il est sensible à des régularités arithmétiques et à l’impossibilité de certaines opérations.
L’enfant statisticien
Dans l’état actuel des travaux menés par le Professeur Dehaene, il semble que le cerveau de l’enfant puisse être vu comme un super ordinateur. On voit en effet que le très jeune enfant va être capable de juger de la probabilité d’un événement. L’expérience consiste à le placer face à une urne contenant par exemple beaucoup d’objets bleus et très peu d’objets jaunes. Puis on cache l’urne avec un panneau, un objet en sort. L’enfant est surpris lorsque c’est l’élément de basse probabilité qui surgit !
Concrètement, le cerveau de l’enfant a calculé la probabilité. On se rend compte qu’il est également capable de mettre à jour ces probabilités, selon la théorie bayésienne. Le cerveau nait avec un algorithme très sophistiqué. Il considère un espace d’hypothèses et, au sein de cet espace, il va être capable de sélectionner telle ou telle hypothèse.
La part de l’environnement est tout aussi importante que la part du mécanisme inné d’apprentissage.
Le Professeur explique : « c’est un moment intéressant dans les sciences cognitives parce qu’on est en train de se rendre compte progressivement que cette théorie bayésienne peut expliquer différentes observations. Non seulement dans la perception du nombre, mais aussi pour l’acquisition du langage, la prise de décision et peut-être même la manière dont notre cortex est organisé. C’est un principe d’explication très général qui pourrait s’appliquer à différents domaines des sciences cognitives ».
Bosse des mots pour les filles et bosse des maths pour les garçons, mythe ou réalité ?
Les scientifiques n’ont pas trouvé de différence entre les petits garçons et les petites filles dans le domaine des compétences précoces pour le nombre. Les différences apparaissent plus tard.
Si l’on sait que le cerveau des filles peut apprendre les mathématiques aussi bien que celui des garçons, des stéréotypes inappropriés apparaissent vers l’âge de 4 ou 5 ans. On constate que l’espèce humaine est particulièrement influencée par la sphère sociale.
Nous avons un cerveau social…
Pour le Professeur Dehaene, la frontière entre sciences cognitives et sciences sociales est fluctuante. « Une des grandes avancées récentes est le cerveau social. Il y a dans notre cerveau toute une série de réseaux spécialisés dans la représentation de la connaissance de la société, la connaissance d’autrui et de moi-même au sein d’un réseau social ».
Entretien vidéo avec le Professeur Dehaene
conduit par Sophie Becherel sur Universcience.tv
Merci pour cette vidéo très intéressante.
Une des caractéristiques qui rend le cerveau humain si créatif ne serait-elle pas qu’il n’et pas parfait. Voir le très bon livre du Dr Benoit Kullmann, neurologue: « L’esprit faux » Cette observation a été faite sous forme de fiction par Isaac Asimov:
je cite: Citation d’Isaac Asimov dont je vous fais part afin que vous ne vous attendiez pas à ce que les ordinateurs, si puissants soient-ils, puissent résoudre vos problèmes, et Asimov en vrai prospectiviste, a imaginé des ordinateurs à la puissance et à la mémoire infinie:
La pensée humaine et la pensée des machines (traduction du passage que j’ai faite plus sur le sens que sur le style littéraire.
Isaac Asimov, « Robots and Empire Balantine Books, NY 1985 Page 54
Dans l’ensemble de la série « robots et Empire » Asimov fait entrer en jeu, un détective humain “Elijah Bayley », et deux robots humanoïdes ultra performants, servant d’adjoints au détective humain…
Les deux robots du roman de science fiction qui s’appellent Giskard and Daneel ne comprennent pas comment le détective humain avec toutes les imperfections de sa pensée arrive à résoudre les énigmes, alors qu’eux, les robots, n’y arrivent pas.
Giskard qui essaie de comprendre comment pensent les humains dit à Daneel:
“Les êtres humains ont un mode de penser à propos des autres êtres humains que nous ne possédons pas. Giskard cherche s’il existe des « lois de l’humanique » don’t il pense qu’elles doivent régler la pensée humaine tout comme les « lois de la robotique » conditionnent entièrement les pensées et les actions des robots. Voir le célèbres trois règles de la robotique inventées par Isaac Asimov. http://www.auburn.edu/~vestmon/robotics.html
A ce propos, Giskard dit à Daneel qu’il a fouillé d’innombrables bibliothèques pour essayer de découvrir si de telles lois commandant les comportements humains avaient jamais existé ou si on pouvait les déduire de l’analyse des comportements passés des êtres humains.
Giskard continue son questionnement: “Pour chacun des essais de généralisation que j’ai tenté de faire, aussi générales et simples soient-elles je me suis toujours trouvé devant de nombreuses exceptions. Pourtant si de telles lois de l’humanique existaient et si je pouvais les découvrir, je pourrais comprendre les êtres humains et me sentir plus confiant en obeissant aux trois lois de la robotique.
Giskard toujours à sa recherche continue: “Puisque le détective Elijah comprend les êtres humains, il doit avoir une certaine connaissance des lois de l’humanique.”
Daneel lui répond: “Probablement. Mais Elijah les connais à travers de quelque chose que les humains appellent parfois intuition, un mot que je ne comprends pas, voulant exprimer un concept duquel je ne sait rien . Je présume qu’il dépasse la capacité de raisonnement dont je dispose.”
Giskard reprend la parole: “Cela bien sûr, avec notre mémoire de robots, qui nous gêne: une mémoire qui ne fonctionne pas comme celle des humains. Il manque à notre mémoire ce rappel de souvenirs imparfaits, le flous, agrémentés de morceaux de mémoire additionnels ou l’élimination d’autres morceaux de mémoire précédemment accumulés, des additions et éliminations commandées par un désir ingénu de bien faire quoi qu’il en coûte et aussi par leur égocentrisme, sans parler de leur façon de s’attarder sur certains sujets, ou de lacunes dans leur souvenirs et de retours en arrière, qui peuvent transformer leur efforts de mémoire en des heures de rêveries éveillées. Pour notre mémoire de robots nos souvenirs sont le déroulement incessant, seconde après seconde, des événements exactement comme ils se sont passés, mais simplement sur un mode énormément accéléré : les secondes se déroulant en nanosecondes…
Ce texte est selon moi la meilleure synthèse au sujet des limites de l’intelligence des machines
En prospective l’intelligence des machines pourra nous faciliter l’analyse, mais nous devrons faire nous même la synthèse pour résoudre les problèmes.
Paul
Je viens de montrer qu’au moins mon cerveau n’est pas parfait en faisant une énorme faute; j’ai écrit:
« Une des caractéristiques qui rend le cerveau humain si créatif ne serait-elle pas qu’il n’et pas parfait. » au lieu de « Une des caractéristiques qui rend le cerveau humain si créatif ne serait-elle pas qu’il n’est pas parfait. »
la véritable caractéristique du cerveau humain est son imprévisibilité. cette imprévisibilité résulte de son irrationalité incontrôlable. l’homme ressent certaine fois il ne réfléchit pas!!!!