Chacun des chapitres du livre « Entreprises & Culture Numérique » interpelle le numérique sur la thématique qu’il aborde. Le chapitre V de cet ouvrage titre : « Agilité et créativité, facteurs d’innovation et de performance », et donne une « prime à la culture numérique comme catalyseur de l’innovation ». Cependant, avant d’appeler les dirigeants à l’action pour « mettre en place un dispositif d’identification de projets innovants propice à l’expérimentation, selon des méthodes de type test-and-learn », il questionne ainsi le numérique :
Innover ou disparaître à plus ou moins long terme : il n’existe pas d’autre issue pour les entreprises. Ainsi, la course à l’innovation constitue-t-elle une compétition permanente censée assurer la survie de l’entreprise dans un monde globalisé. Mais le goût de l’innovation découle de dispositions entrepreneuriales. Numérique ou pas, l’innovation procède d’une disposition d’esprit et d’un management fondé davantage sur les valeurs que sur les règles.
• Le numérique et son rapport au temps peuvent porter à confusion entre le picoring (c’est-à-dire l’expérimentation sans prédétermination et capitalisation) et le test-and-learn. N’est-il pas nécessaire de bâtir des itinéraires numériques plus ou moins précis, dont chaque escale pourrait constituer une île d’innovations ?
• Dans quelle mesure la culture numérique constitue-t-elle un accélérateur ou au contraire un frein à la dynamique d’innovation ? Les accélérations, l’agilité, la précarité des nouveautés, ne condamnent-elles pas les entreprises à des innovations incrémentales, des innovations d’assemblage, plutôt qu’à de véritables innovations de rupture ?
• Les innovations imposent de partager le savoir mais aussi de transmettre la connaissance. La transmission de règles ou de savoirs appelés à disparaître est-elle nécessaire ?
• La trilogie « celui qui sait, celui qui fait, celui qui apprend » fait-elle encore sens dans une culture numérique d’innovation où le principe schumpetérien de destruction créatrice peut davantage détruire que créer ?
• Avec le numérique, peut-on encore évoquer le passé pour construire le futur ?
De telles questions ne sont pas les garde-fous de nos consciences humaines. Elles doivent permettre à chacun d’aider à construire la société de demain en forçant la réflexion, en influençant la prise de décision… Elles appellent réponses et réactions que ce soit ici en commentaires, ou au sein de nos environnements professionnels et sociétaux.
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Lire en prolongement :
– Innover dans une communauté apprenante
– La contribution de l’IT à l’innovation
Je voudrais revenir sur votre formule : « l’entreprise est-elle disposée à exiger moins (en apparence) de son salarié, afin de lui permettre d’en faire davantage ? ».
Dit comme ça, ça peut présenter un côté manipulateur ! Mais dans l’esprit, le « donner envie pour réussir » est un principe pédagogique préconisé depuis longtemps par les enseignements de type Montessori par exemple, et qui porte ses fruits.
Et concrètement, dans le monde professionnel, c’est une démarche très efficace pour l’entreprise. Il suffit de regarder le management de Google. On ne peut pas dire que ça ne lui réussit pas !
Si c’est efficace pour l’entreprise, les salariés ne s’en plaignent pas non plus. Il n’y a qu’à voir leurs conditions de travail (http://www.ina.fr/video/3432782001017). Il faut dire que la devise de leur RH est « attirer et retenir »…
Alors si la culture numérique incite les entreprises à adopter ce management, ce sera « gagnant gagnant » !
Je viens de voir les travaux du cigref sur l’évolution de l’innovation sous l’emprise du numérique.
Il faudrait vraiment une prise de conscience en entreprise de l’aspect participatif donné par le numérique.
Mais surtout il faudrait faire entrer dans notre culture la notion de l’échec qui devrait être acceptée et non sanctionnée. Innover c’est prendre un risque, celui de se tromper, d’apprendre de ses erreurs et de recommencer…
Cette « culture » très française est un frein à l’innovation !