Définitions

Si les mots ont un sens…

Avant de « questionner le numérique  » la première question qui se pose n’est-elle pas de savoir si le mot « numérique » a le même sens pour tous ? Quelques définitions s’imposent !…

« Numérique » et « informatisation »

Michel Volle
économiste, co-président de l’Institut Xerfi

Le mot « numérique » s’impose, dans le langage courant, pour désigner par métonymie tout ce qui touche à l’informatique. Il est préférable à « digital » qui a l’inconvénient d’être un anglicisme et d’évoquer le « doigt », mais il n’est pas sans défaut.

Son étymologie évoque en effet le codage en 0 et 1 qu’exige le traitement informatique des textes, images, sons, programmes et autres documents et cela l’entoure de connotations techniques qui risquent d’égarer l’intuition. Certains, prisonniers des images qui accompagnent les mots, vont même jusqu’à lui associer la froideur supposée des « nombres » et le croient incapable de transmettre la chaleur émotive de la littérature !

On peut à bon droit estimer qu’il aurait mieux valu retenir un terme plus exact, par exemple « informatisation ». Malheureusement le lexique qui dérive d’« informatique » (« informaticien », « informatiser », « informatisation » etc.), dont l’étymologie est saine en effet, éveille aujourd’hui des connotations péjoratives ou, comme on dit, « ringardes », tandis que malgré son étymologie déplorable « numérique » connote « jeune », « nouveau », « créatif », « dynamique » etc.
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Le numérique, adjectif substantivé

Alexandre Moatti
Secrétaire général du comité de pilotage de la Bibliothèque numérique européenne (BNUE)

La création récente par les pouvoirs publics français d’un Conseil national du numérique consacre quasi officiellement un mésusage du mot « numérique ». Ce mot est un adjectif, mais devient le plus souvent utilisé comme substantif : le numérique, presque avec un grand N. Le philosophe Jacques Bouveresse a remarqué, il y a presque trente ans, que le verbe communiquer est devenu intransitif. Cette dérive était consacrée à l’époque, comme l’est celle du numérique à présent. Mais ces glissements syntaxiques sont révélateurs de profonds courants sociaux qui méritent analyse.

À l’origine, l’adjectif numérique ressort du vocabulaire technique. Il désigne un mode de traitement automatisé du signal : en informatique, le signal numérique a remplacé le signal analogique. Le terme est utilisé dans d’autres domaines que l’informatique ou les télécommunications : ainsi la photographie numérique a-t-elle remplacé la photographie argentique, et la télévision numérique la télévision hertzienne. Par abus de langage, ou par raccourci, on dit que le numérique a remplacé l’argentique ou l’hertzien (adjectifs eux aussi substantivés pour l’occasion – lorsqu’ils sont confrontés au numérique). Jusque là considérons ces abus comme bénins, sans réelle signification sous-jacente… Le substantif a aussi été mobilisé dans des slogans de type « Passez au numérique » (var. « Passez au tout-numérique »), lors de la migration de la télévision hertzienne à la télévision numérique en France entre 2009 et 2011. On peut voir là une transposition de slogans anglo-saxons de type Go digital ! Le substantif a alors une forte valeur « marketing » : il fait vendre, en quelque sorte…
Retrouver l’article intégral sur le blog d’Alexandre Moatti

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