Un des premiers constats (unanimement partagé) de l’impact du numérique sur la société, est une accélération1 des temps rythmant les échanges, tant personnels que professionnels. Une accélération aussi des « marées technologiques » bouleversant les usages, les rythmes de l’innovation et de l’obsolescence !
De plus en plus, nous prenons des habitudes d’urgence, voire d’impatience : Qui n’a pas pesté si un mail s’avise de faire l’école buissonnière en promenant ses « paquets » dans les tuyaux du web, prenant ainsi plus de quelques secondes pour parvenir à son destinataire ? Idem pendant le temps de démarrage de son ordi ou celui des mises à jour système ? Ces exemples symptomatiques trahissent la charge émotionnelle qui emplit le temps à travers toutes les étapes de la vie quotidienne (privée et professionnelle).
Le temps de la recherche scientifique
Or, s’il est un domaine qui a besoin de temps, c’est sans doute celui de la recherche scientifique. Le temps d’observer, d’analyser, de comparer, de tester, de confronter, voire de contester… Même si certaines pressions s’installent souvent, qu’elles soient compétitives ou commanditées, tous les secteurs de recherche ne sont pas « bousculés » de la même manière par les horloges du numérique ! Par exemple, les équipes chargées de « produire de la connaissance scientifique » dans le domaine des sciences de la terre, de l’anthropologie ou encore de la chimie organique… ne sont sans doute pas encore les plus secouées par cette accélération.
Par contre, si l’on est chercheur en sciences sociales, particulièrement celles de l’information et de la communication, la variable numérique, sorte de « Boson de Higgs immatériel », intangible mais bien présent… exige des chercheurs qu’ils se dotent d’un puissant accélérateur de particules calendaire !
Paradoxe temporel, comment relever le défi ?
Tout en changeant la donne temporelle, le numérique bouleverse les repères reçus de notre « bonne vieille » société industrielle. Cette mue, ce stade nymphal, jusqu’à l’accomplissement, peut-être, d’une certaine reviviscence, provoque naturellement quelques flottements dans les habitudes prises, qu’elles soient fonctionnelles ou managériales. Or, si l’on en croit l’aphorisme d’Aristote, installé dans les consciences depuis quelques 2300 ans : « la nature a horreur du vide ».
Dès lors, les attentes prospectives sont légitimement pressantes : la science ne se doit-elle pas d’aider à anticiper ce que seront demain l’entreprise et la société dans son ensemble ? Certes, mais il n’est pourtant pas si rare d’entendre en parallèle ce discours paradoxal : « la science n’a plus le temps de chercher… A peine commence-t-elle à étudier un paradigme subissant l’influence du numérique, que celui-ci semble appartenir au passé » !
Anticiper l’entreprise et la société de demain ?
Cela ressemble à une gageure ! C’est pourtant la mission que s’est donnée la Fondation CIGREF à travers son programme de recherche « Information Systems Dynamics » (ISD) ! La problématique du temps ni ne lui échappe, ni ne l’épargne… Pas spécialiste de l’accélération des particules dans quelque domaine que ce soit ;-), elle a choisi de pallier autant que possible le phénomène de temporalité, par la dimension internationale de son programme de recherche. Comment résonne le numérique à travers les différentes cultures ? A quel rythme ? Quelles sont ses interactions dans les différentes composantes de la société d’un bout à l’autre de la planète ? Quelles promesses laissent poindre les constats et expérimentations pour l’entreprise et l’économie numérique ? Et bien d’autres questions encore…
Une mise en perspective régulière et un large partage des Essentiels, livrés au fur et à mesure des études réalisées, permettent dès à présent aux dirigeants une meilleure visibilité pour fixer le cap de leurs modèles d’affaires. Après la publication des résultats des études de la première vague de projets, celle de la seconde vague commence à livrer les siens sur des sujets aussi prégnants que :
- Guider et évaluer l’usage des médias sociaux en entreprise, afin de percevoir comment encourager l’innovation collective et le partage d’informations, ressorts fondamentaux de croissance ;
- Ecologie de la connaissance et innovation ouverte, quelle est l’influence des technologies de l’information sur la performance des entreprises ;
- Réseaux sociaux : vers la fin de la vie privée ? Hypothèse testée dans un cadre de communication assistée par ordinateur ;
- L’entreprise, laboratoire d’éthique numérique ! Identification et gouvernance des enjeux éthiques émergents dans les systèmes d’information
La présentation des résultats de ces études (en attendant les prochaines) nous permet de « lever le nez du guidon » en proposant quelques pauses d’analyses, de prise de recul indispensable, que ce soit en tant que dirigeant d’entreprise ou de simple citoyen concerné !
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1 L’accéluction, synthèse de la première vague de projets du programme de recherche ISD
Bonjour et merci pour ce nouvel article.
Il est vrai que cette accélération nous la ressentons tous comme il est écrit dans l’article.
Le problème se pose pour les sciences sociales en partie, qui n’ont plus le recul nécessaire pour valider des hypothèses et conceptualiser.
Dans l’entreprise cette accélération va complexifier l’appropriation par les collaborateurs des directions métiers notamment.
Il va falloir faire oeuvre de pédagogie et faire du sur-mesure dans l’instant concernant nos actions d’accompagnement au changement. Le lien avec l’illettrisme scientifique est intéressant à cet égard.
Pierre