Las Vegas, CES 2014 : quels enjeux sociétaux derrière les avancées numériques ?

Si cette semaine, de nombreux articles se firent l’écho d’avancées numériques présentes au CES de Las Vegas, que dire de la pertinence des artefacts proposés en regard des enjeux Sociétaux ? Décryptage…

avancees-numeriquesLes objets numériques

Désormais, tout, même le plus inattendu ou le plus anodin, se connecte sans discernement. Pêle-mêle : la laisse numérique pour enfants, le vibreur orgasmique piloté à distance par Smartphone, la température à cœur des aliments mesurée par des sondes connectées, la brosse à dents pour enfants, connectée sur Facebook avec challenges et programme de récompense, etc.

Ainsi le possible l’emporte sur l’utile et celui qui sait voir ne cesse d’être interpellé. Quid de l’autonomie de l’individu, de son libre-arbitre dans une société où toute action, tout comportement est quantifié, analysé, benchmarké et, in fine, canalisé ? 

L’homme connecté, augmenté, se fond dans un seul et même modèle sans possibilité disruptive. Dans ce cadre, la permissivité prime sur l’éthique tout comme elle prime aussi sur la faiblesse humaine : un dilemme entre le Possible, le Moral et le Libre-Arbitre. Libre-Arbitre évincé par les process. Par exemple, on peut admettre que des capteurs soient en mesure de prévenir un individu de dysfonctionnements corporels pouvant mettre en évidence des pathologies. Tout comme on peut admettre que l’individu puisse se soustraire à ces mêmes capteurs. Or, dans la société qui se dessine, ce n’est plus le cas puisque tout est pensé en termes de gestion de risques et de scoring.

Il est stupéfiant de constater l’angélisme béat des zélateurs du numérique qui encensent et font passer l’exploit technique avant celui du sens. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, il faut raison garder.

Le primat de l’image

Nombre de propositions tournent autour du travail de l’image : acquisition, traitement, communication, partage. Ce contenu apparaît aujourd’hui comme le liant majeur de l’économie du numérique : téléviseurs, appareils photos, caméras, kinnects, etc. Le stockage de ces torrents d’images, qui se déversent dans le Cloud, nécessite de nouveaux algorithmes pour leur mise à disposition et leur traitement.

L’image est utilisée dans nombre de dispositifs tels que la TV HD, mais aussi le Eyes tracking, la réalité augmentée (vitrine d’essayage ou de maquillage) jusqu’au recours obsessionnel à des caméras personnelles, style GOPRO, qui filment l’expérience individuelle en continu et en temps réel. Ces contenus étant ensuite partagés sur des réseaux sociaux sans grand souci de la privacy et des conséquences que peuvent avoir ces images sur le futur de la personne.

L’individu ne se vit plus mais se prouve en s’exposant. On ne théâtralise plus le produit mais la personne. En fin de compte, le monde numérique ne s’exprime plus par le contenu, mais par une représentation banalisée de l’individu qui se reproduit à l’infini. C’est la négation de l’individualisation qui se déroule sous nos yeux : un curieux paradoxe qui démonte un paradigme bien établi : la personnalisation voulue s’achève dans une banalisation déliquescente et désegmentée. Attention donc aux poncifs du Marketing One to One.

L’impression 3D

L’impression 3D rend potentiellement tangible toutes les chimères numériques transgressant ainsi les registres du monde réel dans une universalité complètement nouvelle. Ainsi, le droit de propriété, socle de notre société, encore hier fondamental, est structurellement remis en cause sans annihiler la capacité créatrice de l’utilisateur. Ce dernier pouvant à la fois reproduire et créer.

L’individu devient à la fois producteur et consommateur sans requérir à des intermédiaires. La matière première utilisée pour le 3D est appelée à se diversifier bien au-delà du PVC, ouvrant un spectre d’applications extrêmement étendu: métal pour des pièces industrielles, sable pour l’architecture, sucre et amidon pour l’alimentaire, tissu biologique pour le médical.

La robotique

C’est une tendance lourde que consacrent déjà d’autres salons. Si les objets connectés inscrivent davantage leur action dans le reporting d’une situation, les robots activent le « faire ». L’Homo-Faber se réifie à travers l’Homo-Numericus. Là-aussi, il s’agit d’un beau paradoxe! Car dans ce « faire », il convient de distinguer l’actif du passif.

– L’actif, c’est par exemple, l’aide aux personnes âgées dont on peut difficilement contester le bienfondé à condition de ne pas évincer les potentialités liées à l’emploi salarié.
– Le passif, se conjugue avec le ludique et le confort. C’est une solution de facilité qui peut encourager l’oisiveté quand, évidemment, il ne réduit pas la pénibilité.

Les robots ouvrent des perspectives sociétales nouvelles dans le registre juridique et le domaine de la responsabilité.

Questionnons le numérique…

Si des manifestations comme le CES confirment bien la rupture civilisationnelle qui est en train de se dessiner, dans ce monde désormais encyclopédique, tout devient-il documenté, tracé, traqué ?

Si une technologie ne porte pas de morale, n’est-elle pas que ce que nous en ferons ?

G-EpinetteN’est-ce pas à nous tous d’écrire notre avenir avec détermination, mais aussi et surtout, avec… discernement ?

Georges Epinette
Vice-président du CIGREF,
DOSI du Groupement des Mousquetaires

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