La culture numérique en débat !

Comment repenser la contribution du numérique au monde de demain ?

De l’éthique à la confiance, en passant par les usages, nos pratiques doivent être interrogées au prisme du numérique qui façonne le monde de demain. Trois experts invités de 01 business répondent aux questions de Frédéric Simottel sur BFM Business.

  • Georges Epinette, vice-président du CIGREF, DOSI du groupement des Mousquetaires
  • Serge Soudoplatoff, cofondateur de Sooyoos et de Scanderia, Business Angel d’hellomentor et Nukkik
  • Christophe Deshayes, président de Tech2innovate, co-auteur de « petit traité du bonheur 2.0 »

Epinette-Deshayes-Soudoplatoff

Comment prendre conscience de cette culture numérique, de quel numérique parlons-nous, si les objets connectés venaient à notre secours… 

Ethique et confiance versus numérique

Georges Epinette rappelle que le CIGREF a récemment publié un ouvrage numérique (accessible gratuitement) « Entreprise et Culture Numérique ». Cet ouvrage pose bien le problème de l’usage du numérique dans notre société. Particularité, chaque fin de chapitre « questionne le numérique » pour interpeller collectivement sur les finalités d’un projet numérique. Un projet numérique doit être un projet porteur de sens, répondre à une finalité, respecter les consommateurs, les usagers et instaurer une véritable relation de confiance.

Pour Georges Epinette, une des questions essentielles qui se pose est « comment repenser la contribution du numérique dans un cadre éthique » ? D’autant que s’il y a quelques mois, la question de l’éthique était un signal faible, avec l’affaire Snowden, cette question de l’éthique remonte au-dessus de la pile !

Il précise qu’une confrontation un peu confuse peut se faire entre éthique et morale, le bon et le mauvais, le bien et le mal. L’éthique adresse vraiment des problèmes de responsabilité. Dans nos métiers on n’est pas responsable de l’informatique, du numérique, on est responsable envers quelqu’un. Responsable de l’usage qui est fait des outils, bons ou mauvais. Cette responsabilité adresse une relation avec l’autre. Cette altérité suppose une phase de sollicitude, de bienveillance, qui doit s’exercer dans le cadre d’un espace de liberté. Quand il n’y a pas d’obstacle à la liberté, il n’y a pas de liberté. Il faut donc mettre en avant des règles simples pour délimiter le terrain de jeu du numérique.

Pour Serge Soudoplatoff, la question est « à qui fait-on confiance » ? On vit une période un peu difficile en termes de confiance : espionnage, libertés individuelles, etc. La confiance se fait de plus en plus au sein de communautés.

Une communauté, c’est à la fois du sens et une certaine énergie. Les gens contribuent, co-construisent, se répondent les uns les autres. Sur internet « quand je ne sais pas je demande, quand je sais je partage » ! Cela crée une forme d’intelligence collective. Là où il y a du sens, quelque chose d’extraordinaire se crée. Wikipedia est un des exemples de cette intelligence collective.

Pour lui, un des fondamentaux d’internet est que le réseau n’a aucune intelligence. L’intelligence est aux extrêmes : ça c’est de l’éthique ! Quand on nous explique ce qu’il faut faire ou ne pas faire, c’est de la morale.

Ne pas se tromper de « numérique » !

Christophe Deshayes évoque « une nouvelle vague d’informatique ». Pour lui, quand on questionne le numérique, on s’adresse souvent au numérique d’hier. Ce numérique d’hier n’a pas considéré l’homme comme il le fallait. Dès lors, quand on parle d’en rajouter, certains disent qu’il faut faire « pause » ! Ce n’est pas la bonne vision. On est face à une nouvelle vague d’informatique, conçue très différemment, qui va apporter des choses très intéressantes. Cette informatique nouvelle va déshabiller une partie de l’informatique précédente qui était nettement moins « human centred » !

Serge Soudoplatoff souligne quant à lui que le numérique veut dire plein de choses, c’est un nouvel alphabet qui nous permet de réécrire le monde différemment. Il y a un ancien et un nouveau monde. La technologie, ce sont des corpus de connaissances que l’on construit les uns sur les autres. On revisite les usages selon que la technologie bouge. Or, nous vivons une renaissance. Nous sommes dans une époque où, à la fois on se raccroche au passé que l’on n’a pas envie de changer, et où la technologie nous emmène ailleurs !

Ces technologies apportent des choses fabuleuses ! Elles nous permettent par exemple de découvrir des exo planètes, ou encore de faire des exosquelettes pour permettre à des gens paralysés de remarcher… L’utilisation du numérique contribue aussi à résoudre des grands problèmes de notre société comme la surpopulation, la pollution… « Ces problèmes existent. Soit on se flagelle, mais c’est idiot, soit on agit « user centric » : je vais faire des plateformes où, dans une structure communautaire, on partage, sa voiture, son appartement… ».

Et le temps, l’immédiateté due au numérique ?

La notion d’immédiateté contrainte est peut-être un des premiers reproches faits au numérique. Tout va plus vite…

Georges Epinette évoque cette sorte de frénésie numérique qui construit un rapport au temps extrême : « accélération et aliénation »1. Il ajoute « on ne sait pas toujours où, mais on y va très vite » ! Selon lui, on est dans le time to market, il est pourtant possible de créer des choses durables, qui ont du sens, sans être astreint à l’immédiateté

Serge Soudoplatoff réclame « le droit de tester ». On est un collectif de 7 milliards d’individus, constamment sous pression. Pour lui, c’est sur le rapport de l’individuel au collectif qu’il faut travailler. Le modèle sur lequel « une boite réussit parce qu’elle a des gens brillants » est à revoir. Avec le numérique, « une boite réussit aujourd’hui parce que c’est l’ensemble des gens qui est brillant. Là d’un seul coup on retrouve un peu plus de sérénité ! ». Il ajoute que c’est souvent « aux interfaces que ça bugue souvent, et du coup chacun est obligé de travailler 4 fois plus… ».

Comment fait-on pour apprendre cette culture numérique ?

Prendre conscience, changer de comportement… Et si les objets du numérique devenaient nos propres coaches pour aborder cette culture numérique, et parfois faire face à une société de consommation qui nous submerge, nous bouscule ?

Ces objets connectés nous aideront-ils à ralentir, à nous recentrer, nous ressourcer ?

Qu’en pensez-vous ?

Le débat sur la culture numérique en replay

Le débat en intégralité…

Frédéric Simottel sur BFM Business interroge
Georges Epinette, Christophe Deshayes et Serge Soudoplatoff

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1 Ouvrage d’Hartmut Rosa

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