Pour comprendre les nouveaux « champs de force » de l’entreprise numérique…
Comme l’a rappelé le Pr. Boufour, coordinateur du Programme ISD de la Fondation CIGREF : « Le concept d’entreprise numérique par rapport à la notion de système d’information indique que l’entreprise est maintenant ouverte sur le monde grâce au numérique. L’ubiquité du numérique implique des enjeux opérationnels et stratégiques importants… ».
Les travaux menés dans le cadre de ce programme international de recherche, visent à identifier « les clés » qui permettront aux dirigeants d’entreprises d’adapter leur gouvernance à ce nouveau « design organisationnel » au fur et à mesure que l’entreprise devient numérique.
L’enjeu est de taille ! La création de valeur, qui est le cœur de métier de toute entreprise, varie par rapport aux schémas connus quand l’entreprise se fait numérique. De nouveaux champs de force s’insinuent, que ce soit très ouvertement ou de manière plus insidieuse, dans les contours jusque-là identifiés de la création de valeur par l’entreprise « traditionnelle ».
L’objectif n’est pas d’anticiper ici sur les conclusions du Programme ISD ! A ce stade, les travaux de la « Vague B » sont en cours et ceux de la « Vague C » pas encore engagés… Mais comme cette démarche est, comme l’entreprise numérique elle-même, « ouverte », nous souhaitons réfléchir avec chacun sur « la façon dont le numérique transforme notre vie et nos entreprises, notre relation au travail ».
Les nouveaux « champs de force »* et leur incidence sur notre quotidien professionnel
Nous avons tous constaté la place prise par les réseaux sociaux dans notre quotidien. A titre d’exemple,même la publicité télévisuelle s’empare du concept pour mieux « vendre » tel ou tel service ! Cet aspect de l’usage des réseaux sociaux relève de la partie visible. De même que leur acceptation au sein du système d’information de l’entreprise : le salarié peut-il ou non accéder à son/ses réseaux sociaux préféré(s) depuis son poste de travail…
« Champ de force » visible également, la dimension collaborative qui peut être faite des réseaux sociaux d’entreprise, le changement qu’ils impriment aux modes de travail, les processus d’adaptation, les attentes ou les résistances au changement qu’ils génèrent.
Ce que l’on commence à voir également, ce sont les nouveaux métiers liés, par exemple, à l’usage des réseaux sociaux pour la communication de l’entreprise, son marketing, son image, sa réputation… En quoi ces « community managers » et autres nouveaux métiers intégrés aux équipes, influencent-ils notre relation au travail ?
Chacun n’a-t-il pas une nouvelle place à se faire également lorsque la nouvelle « génération y » importe entre les murs de l’entreprise des modes de travail et relationnels peut-être différents ? L’identité personnelle, l’ego professionnel sont-ils impactés par ces nouveaux échanges, que ce soit avec les collègues, les clients, les fournisseurs, les partenaires…
Exemple de « champ de force » moins visible
Lorsque les usages numériques évoluent, usages mobiles, à la maison ou en entreprise, on enregistre des épiphénomènes. Sommes-nous tous devenus des « netgoinfres », appellation spontanée mais sans doute non-dénuée d’intention, pour imager le « cauchemar » des fournisseurs d’accès à Internet et de leurs offres illimitées et plus largement un risque de pénurie de bande passante ? Sans le savoir, nos usages menacent-ils véritablement les capacités de bande passante qui nous donnent accès à l’internet ? Comme pour l’eau, le papier, l’énergie,… l’entreprise et l’usager doivent-ils apprendre dès à présent à adopter des comportements éco-citoyens en matière de connexion internet ?
Comment l’entreprise pourrait-elle gérer une telle antinomie entre la place prise par son besoin de visibilité sur le web, la dématérialisation de son patrimoine et de ses valeurs et une éventuelle obligation de restriction alors même que tout l’incite à plus de présence numérique ?
Au-delà de ces exemples destinés à illustrer quelques-unes des questions soulevées par l’entreprise numérique, quelles sont vos propres perceptions au sein de votre univers professionnel ?
Avez-vous des attentes, des inquiétudes, ou déjà des expériences positives, négatives, dues à la mutation numérique de votre entreprise ?
Les commentaires vous sont ouverts, vos réponses seront toutes les bienvenues !
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* Les champs de force permettent d’unifier les forces de la nature. Ce sont des ondes stationnaires qui expliquent toutes les forces. Ces champs expliquent à la fois la structure de la matière et sa mécanique. En physique, un champ de force est une zone où se manifeste un système de forces, magnétiques, électriques, gravitationnelles…
L’analogie avec les sciences physiques est intéressante.
Sur le plan sémantique, il convient de classer les forces (ex : interactions fortes/faibles en physique de la matière).
Sur le plan méthodologique, on peut imaginer une théorie et réaliser des expériences pour la provoquer : c’est la fameuse démarche expérimentale des scientifiques.
Pour nous, le numérique d’entreprise naîtra de la rencontre ses systèmes d’information et de la propriété intellectuelle.
L’expérience ? L’Institut d’Archilogie, une communauté professionnelle de connaissances où les membres ne sont pas liés par une adhésion à une personne morale à laquelle ils concèdent leur propriété intellectuelle, mais sont liés par des contrats unilatéraux de concession de droits (en l’occurrence, les contrats Creative Commons).
Les retombées ? A vous de faire votre propre opinion.
Si « les champs de force permettent d’unifier les forces de la nature », je crois qu’on n’en est pas encore là dans mon entreprise !
On est au stade des tensions pour le moment ne serait-ce que pour l’utilisation des appareils numériques divers et variés de chacun.
J’ai vu des reportages sur les conditions de travail chez Google dans les différents pays du monde… Cela devrait passer en boucle dans les conseils d’administration des entreprises françaises !
Chez nous on n’a pas accès ni à FB ou quoi que ce soit d’autre sur les postes de travail. Si on veut se connecter, ça ne peut être que via nos smartphones si on en a un.
Et pourtant l’entreprise a une page et un twitter, pas très actifs mais le bos a dit que ça faisait moderne !
Tout le monde s’énerve autour des commerciaux sur le marketing… En fait on dirait que c’est un peu compliqué de trouver de nouveaux repères dans le monde numérique pour les entreprises.
je viens de lire une étude qui indique que 90% des salariés travailleraient sur leur temps libre. Je crois que c’est directement dû à l’accélération des rythmes provoquée par le numérique. On n’est pas comme certains le disent dans le « monde numérique » mais plus encore dans le « monde de la vitesse » !
Même les enfants et les ados sont concernés par cette accélération. Les ados sont ados de plus en plus jeunes !
Peut-être faudra-t-il trouver un moyen de ralentir… et s’il faut travailler sur son temps libre, avoir la possibilité de lever le pied quand on est au boulot !
Je suis étudiante et très intéressée par ces questions sur l’évolution dans les entreprises. Par curiosité simplement parce que je me destine à la communication. Je n’ai pas encore d’expérience professionnelle à partager mais c’est intéressant de voir comment elles s’expriment et ce qui est en train de se construire.
Je partage l’idée que l’on est devant une évolution culturelle et qu’il importe de la comprendre. Mais au rythme où ces technologies se développent et entrent dans notre vie, on dirait que la compréhension ne sera pas assez rapide !
Moi je suis dans la tranche d’âge « génération y » et c’est vrai que dans mon entreprise, sans poser de réel problème type « guerre des générations », c’est quand même frustrant de devoir avancer (je suis commerciale) avec le pied sur le frein.
Bien sûr à 35 ans, quand on est parmi les derniers arrivés, on n’ose pas vraiment dire ouvertement qu’il faut bouger des choses. Donc on s’adapte… Bruno a raison, c’est une question de culture !
Sans doute que dans quelques années ça ira mieux. Reste à savoir si sur le marché international les entreprises chez nous vont pouvoir faire le poids bien longtemps.
D’accord avec Gaël, les champs de force sont certainement sur le terrain de la culture numérique de l’entreprise ! Bien plus que dans l’utilisation des objets numériques…
Même lorsque les salariés sont utilisateurs des outils numériques, qu’ils ont leur iPhone et leur iPad, qu’ils sont sur Skype et autres Twitter, ils avancent le nez dans le guidon dans leurs comportements professionnels.
La difficulté est de faire évoluer ses schémas mentaux et de « penser » de nouveaux comportements ! Il est vrai que sortir de sa routine n’est pas ce qu’il y a de plus confortable. Les objets numériques ne sont pas que des « joujous » funs ! Ils sont porteurs d’une autre dimension, culturelle, intellectuelle et relationnelle…
Je crois que s’il y a des champs de forces au sein de l’entreprise numérique, celles-ci s’agitent principalement autour du mot « ouverte » très justement cité par M. Bounfour !
L’entreprise « ouverte » est un redoutable effort pour elle, une vraie révolution. Et comme toute révolution, elle ne va pas sans tension ! La difficulté avec les médias sociaux évoquée par Vincent, en est un exemple. Que l’entreprise laisse filer sa communication entre les mains de « tout un chacun » (juste pour ne pas dire de « n’importe qui »…) et une révolution culturelle fondamentale !
C’est sur ce terrain culturel que les forces vont devoir tenter de s’unifier !
Moi aussi j’aime bien cette approche métaphorique, car il s’agit bien d’unifier des forces nouvelles pour édifier un nouvel univers, numérique !
Pour répondre à vos questions, il n’y a pas de tensions perceptibles entre les générations dans mon entreprise (290 personnes). Cela se passe même plutôt bien, peut-être parce que nous ne sommes pas une grosse boite.
De même, chacun peut avoir ce qu’il veut (ou presque !) sur son ordinateur. On a signé une sorte de Charte de bonne conduite quant à l’utilisation de l’internet.
Par contre on voit bien que les dirigeants ne sont pas à l’aise avec les nouveaux modes de communication. Etre ou ne pas être sur médias sociaux… si oui : qui, quand, comment !
La sécurité semble être un point d’achoppement aussi.
Voilà, ça ne fait sans doute pas beaucoup avancer les choses…